"L'usine Renault à Oran est l'amorce d'une filière automobile algérienne" (G. Josselin)

Par Achiba Mammeri, à Alger  |   |  1010  mots
"En Algérie, Renault n'a pas pour seule ambition d'être un concessionnaire comme les autres, mais bien d'être une entreprise citoyenne qui ne se contente pas d'importer et de distribuer des véhicules." (Guillaume Josselin, directeur général de Renault Algérie)
Dans un pays qui devrait devenir le premier marché d'Afrique, l'implantation à Oran d'une usine Renault relève d'une stratégie globale d'implantation industrielle et de coproduction. Entretien avec Guillaume Josselin, directeur général de Renault Algérie. Propos recueillis par Achira Mammeri, Tout sur l'Algérie (tsa-algerie.com, Alger), en partenariat avec La Tribune.

LA TRIBUNE - Que représente l'usine d'Oran-Oued Telilat pour Renault ?

Guillaume Josselin - C'est d'abord une grande fierté d'être les premiers à avoir implanté une usine de fabrication automobile en Algérie, d'être un peu les pionniers dans ce domaine. Ce qui cadre avec notre ambition générale d'amorcer les premiers pas d'une filière automobile en Algérie. Une grande fierté aussi d'avoir tenu nos engagements en réalisant ce projet dans les délais, C'est-à-dire moins de deux ans entre la première signature des accords en présence de nos deux présidents, l'inauguration de l'usine et la fabrication du premier véhicule.

En Algérie, Renault n'a pas pour seule ambition d'être un concessionnaire comme les autres, mais bien d'être une entreprise citoyenne qui ne se contente pas d'importer et de distribuer des véhicules. Nous avons l'ambition de créer de la valeur ajoutée. Elle est déjà réalisée à travers les emplois qu'on crée. Renault Algérie, et là je mets de côté l'usine, c'est 700 collaborateurs au siège et 3.000 collaborateurs dans l'ensemble des réseaux de distribution sur tout le territoire national. On crée de la richesse aussi à travers la formation et le transfert de technologie. Au-delà de ces aspects, nous sommes aussi une entreprise. On est là pour gagner de l'argent, pour se développer et grandir. Il n'y a aucune raison de le cacher.

L'usine d'Oran est, pour certains, plus un geste politique qu'un investissement stratégique...

On est pionniers, il est normal qu'on subisse des critiques. Renault ne peut pas être aimé par tout le monde. Mais, probablement aussi, ce projet peut gêner certains intérêts. Renault est une entreprise qui fait du business et des affaires. En fait, je ne vois pas bien la dimension politique dans ce projet. Renault ne fait pas de politique.

Sur le plan financier, qu'apporte ce projet à Renault ?

Quand on lance un projet industriel, on vise le long terme. Il n'y a pas de gain sur le court terme. Lorsqu'on installe une usine, on se projette sur plusieurs décennies. Notre objectif en Algérie est de réaliser un projet en plusieurs phases. Les gains viendront grâce notamment au taux d'intégration qu'on réalisera au niveau local. Plus le taux d'intégration augmentera, plus on diminuera notre logistique qui est aujourd'hui élevée.

Là encore, on est dans la relation gagnant-gagnant. C'est l'intérêt de Renault d'augmenter le taux d'intégration local, ce qui nous permettra de faire des économies et de baisser les coûts de production. C'est aussi l'intérêt de la filière automobile en Algérie de voir se développer un tissu de sous-traitance ou de fournisseurs autour de notre projet industriel, sur lequel nous avons investi 50 millions d'euros.

Peut-on parler d'une voiture algérienne lorsque l'essentiel du travail est effectué à l'étranger ?

Elle est fabriquée en Algérie. Elle est fabriquée par des Algériens. 350 emplois directs et près de 500 emplois indirects ont été créés. On est dans une phase de démarrage. Il y aura d'autres phases avec un taux d'intégration plus important. Il faut bien commencer par quelque chose. Je réponds à ceux qui nous critiquent : qu'ils fassent la même chose que nous ! J'insiste : l'usine d'Oran est l'amorce de la création d'une filière automobile en Algérie.

Le prix de la Symbol est jugé trop élevé...

Notre volonté est de commercialiser une version haut de gamme du segment des petites berlines familiales. On a choisi de fabriquer pour l'instant cette version qu'on a appelée « Extrême », tout équipée et disposant des dernières technologies. C'est une voiture qui a l'ABS, le double airbag, le radar de recul, un GPS intégré, etc. En termes de rapport qualité-prix, elle est extrêmement bien positionnée. L'année prochaine, nous commercialiserons d'autres versions, moins équipées et plus accessibles financièrement.

Mais sachez que c'est une intention délibérée de notre part que de positionner le véhicule dans le haut du segment. C'est un choix qu'on assume parfaitement. Il fallait lancer la meilleure pour montrer aussi que cette usine, qui répond à tous les standards et normes internationales en termes de qualité, peut fabriquer un véhicule au top de son segment.

Peut-on parler de transfert de technologies et de compétences managériales quand l'usine sert seulement à assembler les pièces ?

Chez Renault, le transfert de compétences se fait tous les jours et tout le temps, à travers notamment le développement de notre réseau, la création d'emplois et la formation de notre personnel. Récemment, un accord a été signé entre la Fondation Renault et trois pôles universitaires en Algérie - université d'Oran, HEC et l'École polytechnique d'Alger -, qui va permettre à Renault de proposer des bourses d'étude aux étudiants. Cela va contribuer au développement des compétences. Sans oublier le centre de formation de l'Académie Renault.

Comment évaluez-vous l'évolution du marché algérien de l'automobile ?

Le marché automobile en Algérie a du potentiel. C'est un marché qui a connu une très forte croissance. En dix ans, les ventes ont été multipliées par dix. Vous avez deux indicateurs qui mesurent le potentiel du marché automobile dans un pays. Le premier, c'est le taux d'équipement automobile pour 1.000 habitants. En Algérie, ce taux est de 100 véhicules pour 1.000 habitants. En Europe, en moyenne, il est de 600 véhicules pour 1.000 habitants. Ça laisse de la marge. Le deuxième indicateur, c'est l'âge moyen du parc roulant. Il est de seize ans en Algérie. En France, c'est huit ans. Ces deux indicateurs nous laissent penser que sur le moyen terme il y a un véritable potentiel de croissance du marché automobile algérien, le deuxième d'Afrique, après l'Afrique du Sud. Il dispose de potentialités pour devenir le premier.