L'humain au coeur de la fonction de maire

Par Gérard Larcher  |   |  1134  mots
Gérard Larcher, Maire sortant (UMP) de Rambouillet, tient son "journal de campagne" des élections municipales.
Gérard Larcher (UMP), sénateur des Yvelines et maire sortant de Rambouillet, livre le troisième volet de son "journal de campagne" pour la Tribune.

Dans trois semaines, les Français vont se rendre aux urnes pour élire leur maire et l'équipe qui l'entourera pendant 6 ans.

Avec ses conseillers municipaux et selon la taille de la commune, il disposera de ressources humaines et techniques assez diverses, de quelques heures de secrétariat et de solides services. Impossible de comparer par exemple l'administration municipale de Versailles (86.000 habitants) avec celle de Sceaux-sur-Huisne (Sarthe - 580 habitants) !

En tant que maire de Rambouillet, j'ai ressenti le poids de la responsabilité à aller en pleine nuit annoncer à une famille le décès d'un enfant dans un accident de la route.

Je pense aussi à Agnès Lebrun, maire de Morlaix, qui affronte cet hiver les tempêtes et les inondations à répétition.

Je pense à tous ces maires qui un jour se sont retrouvés devant un tribunal pour assumer la responsabilité au nom de leur commune, sans qu'aucune faute personnelle ne leur soit reprochée, par exemple pour une cage de buts ayant entraîné des blessures.

Si le maire est l'élu de proximité par excellence, celui que les Français préfèrent, certains administrés sont parfois sévères aussi avec lui.

Un tiers des maires ne se représente pas

Le fait qu'environ 12.000 maires ne briguent pas de nouveau mandat en mars ne me surprend pas.

Il y a les "célèbres", ceux que les médias scrutent et observent. Ils sont des symboles, des figures de proue en quelque sorte. Et puis il y a ceux dont le nom n'est connu que dans leur commune et qui sont rarement cités par la presse locale.

Ils s'appellent Bernard Delanoë (Paris) ou Dominique Voynet (Montreuil), Bernard Brochand (Cannes) ou Hélène Mandroux (Montpellier)… mais aussi Jean-Marie Darmian (Créon en Gironde) ou Françoise Boisard (Villebadin dans l'Orne). Leur point commun : ils ont fait le choix de ne plus être maire.

S'ils ne sont pas plus nombreux qu'il y a 6 ans, c'est parfois le sentiment qu'ils expriment en "raccrochant les gants" qui évolue : désillusion et lassitude face aux charges du mandat, rapports plus complexes avec les administrés, manque de respect et solitude face aux épreuves. Etre maire, ce n'est vraiment pas exercer une fonction comme une autre !

Pourtant, chacun a été heureux d'avoir été utile.

« Etre maire, c'est aimer les gens » résument la plupart d'entre eux.

Et dans leur diversité, ils se démènent et ne comptent pas leurs heures pour rendre leur quotidien agréable, pour attirer des entreprises et créer de l'emploi, sauver le commerce de proximité, améliorer les transports, sécuriser leurs quartiers…

Mais beaucoup regrettent une perte progressive de la qualité de leurs rapports avec les habitants de leur commune. Au quotidien, ils ont l'impression d'être devenu parfois des prestataires de services face à des citoyens, devenus des consommateurs de leur République, demandeurs d'un retour sur investissement, leur vote, et qui perçoivent l'élu, fusse t-il local, comme un produit « à utiliser ».

"La somme des intérêts particuliers ne fait pas un projet collectif " (Dominique Voynet)

Il y a quelques semaines, un maire rural désabusé m'expliquait :

" trop peu de gens ne voient l'intérêt général et trop défendent leur intérêt particulier ".

Cette réflexion rejoint le désarroi que Dominique Voynet a laissé filtrer lorsqu'elle a annoncé qu'elle renonçait à se présenter pour un second mandat à Montreuil (Seine-St-Denis) :

"Au quotidien, l'élan militant s'émousse face aux mesquineries, aux contradictions. La somme des intérêts particuliers ne fait pas un projet collectif ".

Dans une commune, qu'elle soit en zone urbaine, péri-urbaine ou rurale, engager un chantier est souvent source de mécontentement. D'utilité publique, il sera pourtant d'abord jugé par chacun des habitants à l'aune des désagréments sur son propre quotidien. La réfection de ce trottoir certes est indispensable mais les travaux vont gêner la circulation !

"Le maire aurait du y procéder pendant les vacances "… les miennes s'entend !

" Plus personne ne me demande ma vision globale sur l'avenir de la commune ou les valeurs qui portent la gestion » regrette un maire de Gironde.

Un dédale administratif inextricable

Le travail demandé au maire est immense, les démarches administratives sont parfois ubuesques, les procédures longues et complexes.

"Un maire devrait avoir un CAP de demandes de subventions !" déplore un maire du Calésis.

Certains obstacles sont insurmontables pour l'homme ou la femme qui en revêt seul la responsabilité. D'autant que le dédale des contraintes administratives devient de plus en plus inextricable puisqu'elles viennent du département, de la Région, de l'Etat et de l'Europe.

"Ceci n'est pas un mythe, c'est notre réalité au quotidien " insiste le maire de La Membrolle-sur-Longuenée (2.000 hab) qui jette l'éponge après quatre mandats dont trois de maire et qui a du faire face à une situation inédite : il y a encore quelques semaines, personne n'avait fait acte de candidature pour l'élection municipale !

Les maires affrontent de véritables parcours du combattant pour la moindre des actions de la municipalité : permis de construire, création d'entreprises, organisation d'évènements, mise en place des rythmes scolaires, un casse-tête financier et d'organisation. Trop d'attente, de délais, d'interlocuteurs… Trop de changement de législation, trop de flou quant aux recettes fiscales… Si bien que certains sont tentés d'abandonner.

Sans compter que le maire est devenu, au fil du temps et de la disparition des autres figures symboliques de l'autorité, le curé, l'instituteur et le médecin, le premier des assistantes sociales. Aide juridique, demande de logements et d'emplois, appui pour un divorce…Autant de domaines sur lesquels malgré tout il n'a pas la main bien qu'il contribue à la cohésion sociale de son territoire !

Quelques pistes pour lutter contre le désarroi des maires

Si je devais lancer quelques pistes pour enrayer le mouvement, j'en retiendrai trois :

  • Pour simplifier la vie des maires, mettre en place l'instruction unique : un seul interlocuteur de la "porte d'entrée" à la décision (comme le préconise le rapport sénatorial de la mission commune sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République) ;
  • Pour créer des vocations, aménager enfin vraiment le statut de l'élu : si un certain nombre de garanties ont été mises en place depuis 20 ans, il reste encore beaucoup à faire pour faciliter l'exercice du mandat (droits d'absence…) et en fin de mandat (remise à niveau, formation professionnelle…) ;
  • Pour rapprocher les citoyens de leur maire, faire en sorte qu'ils s'engagent davantage et s'approprient les enjeux de leur commune pour devenir "coproducteurs" de leur futur.

Etre maire, c'est d'abord un réel contrat de confiance qui se construit autour des valeurs de la République.