Heureux comme Moscovici... à Bruxelles

Par Florence Autret  |   |  653  mots
C'est Moscovici qui pilote les 850 collaborateurs de la Direction générale des affaires économiques et monétaires.
Son mandat avait commencé sous le signe de ce qu'il faut bien appeler le soupçon. L'ancien locataire de Bercy, qui avait présidé à la préparation de deux budgets français (2013 et 2014) notoirement hors des clous, pouvait-il vraiment tenir le rôle dévolu au cours des cinq années précédentes au très orthodoxe Finlandais Olli Rehn ?

Ce social-démocrate du Sud qui entend accompagner le virage de l'Union européenne vers une politique de croissance plutôt que de pure consolidation budgétaire trouverait-il des marges de manoeuvre suffisantes maintenant qu'il allait être flanqué de deux vice-présidents, le Finlandais Jyrki Katainen et le Letton Valdis Dombrovskis ? Après deux mois de mandat « dense et plutôt heureux », dit-il, la réponse à ces deux questions est « oui ».

Quand il s'était agi de donner à la France « un grand portefeuille économique », comme l'avait demandé François Hollande, Pierre Moscovici avait pourtant le choix entre la substance et la carte de visite. Il a opté pour la première.

Il a eu raison. Dombrovskis ne pèse guère. Pas assez politique. Et surtout dépourvu de bataillons. La Commission reste une technocratie.

Et c'est Moscovici qui pilote les 850 collaborateurs de la « Direction générale des affaires économiques et monétaires ». Le Français est donc en première ligne... juste derrière le président Juncker et sa doublure, le social-démocrate néerlandais Frank Timmermans.

Quant à Katainen... ils se croisent peu, pour ne pas dire aussi peu que possible. Sur le front diplomatique, au G20 Finances, au Conseil de stabilité financière, au Fonds monétaire international, le Français compte s'asseoir seul dans le siège du « Monsieur Euro ».

« Il y a une musique dans cette Commission, il y a un style, des orientations politiques. Je m'y reconnais bien », explique l'homme de Hollande, à Bruxelles.

Le virage opéré par la grande coalition du président Juncker vers une politique de croissance n'est-il pas un produit made in France mis sur le marché par François Hollande en 2012 ? En témoigne la nouvelle doxa budgétaire présentée la semaine dernière par le duo Dombrovskis/Moscovici. Mais tout en déclinant les « flexibilités » des règles budgétaires, ils ont annoncé l'envoi d'une « mission technique » à Bercy, histoire d'éviter tout malentendu sur les chiffres du budget 2015. Souplesse et fermeté.

Bruxelles ne cédera pas sur un ajustement budgétaire de 0,5% en 2015... Paris ne peut plus se réfugier dans le déni en maintenant l'illusion d'un retour du déficit à 3% en 2015, ni même en 2016. Délai il y aura, donc, mais il faudra en acquitter le prix. La loi Macron ne suffira pas à cocher les cases des « actions effectives » que la Commission exige des membres du Club Euro.

« Mosco » a quitté Bercy... et se retrouve en situation d'influencer la politique française comme jamais grâce au levier du Pacte européen

Lui qui a jadis négocié un premier délai de deux ans pour le gouvernement Ayrault excelle dans cet exercice très politique. Jouer à fronts renversés ne lui déplaît pas, même s'il lui arrive encore parfois de dire « nous » quand il parle de la France et « eux » quand il s'agit de Bruxelles. Le plus dur, pourtant, reste à venir. La stratégie de Juncker, fut-elle couplée à l'activisme de Mario Draghi à la BCE, suffira-t-elle à sortir la zone euro de la stagnation ? Les investisseurs qui vendent de l'euro à tout va en doutent. De surcroît, le commissaire français ne s'est pas encore vraiment attaqué aux dossiers fiscaux.

Il ne verrait rien à redire à ce que ses services reprennent en main le projet de taxe sur les transactions financières que le président Hollande entend relancer en cédant sur la taxation des dérivés... mais attend de voir ce que Bercy met concrètement sur la table. Et sur l'érosion des bases fiscales, il va se heurter à la dure loi de... l'unanimité. Le projet d'harmonisation de la base d'imposition des sociétés a déjà eu raison de plusieurs commissaires avant lui. La bataille ne fait donc que commencer. Mosco est « plutôt heureux » mais le bonheur, comme la politique, est un sport de combat.