La vente à découvert, une pratique (encore plus) décriée en temps de crise

Par Juliette Rabat, AFP  |   |  673  mots
(Crédits : RALPH ORLOWSKI)
Alors que les marchés boursiers sont paniqués face aux conséquences économiques de l'épidémie du coronavirus, plusieurs régulateurs européens ont pris la décision de restreindre la vente à découvert, une pratique accusée d'accentuer la baisse des indices. En quoi consiste cette pratique ? Pourquoi vouloir l'encadrer ? Dans quels pays ce mécanisme est limité ? Voici ce qu'il faut savoir sur la vente à découvert.

Mieux encadrer les marchés plutôt que les fermer ? Face au marasme boursier provoqué par l'épidémie de coronavirus, plusieurs régulateurs européens ont pris des mesures afin de limiter la vente à découvert, une pratique accusée d'accentuer la baisse des indices.

Qu'est-ce que la vente à découvert ?

La pratique de la vente à découvert consiste à parier sur la baisse future d'un titre boursier. La logique voudrait plutôt que l'investisseur mise sur la réussite de l'entreprise dans laquelle il place son argent afin de revendre ses actions plus chères par la suite.

Mais dans le cas de la vente à découvert, l'investisseur emprunte à un courtier des actions, qu'il ne détient pas encore, pour les vendre sur le marché à un prix qu'il espère plus élevé que celui auquel il va ensuite les racheter au moment de les rembourser au courtier.

Une pratique à haut risque car savoir quand racheter son action, pour engranger le plus de profits possibles quand elle baisse ou pour limiter les pertes quand elle monte, est une compétence délicate.

Pourquoi l'encadrer ?

La volonté de contrôler cette pratique considérée comme spéculative et risquée n'est pas nouvelle.

Ainsi, dans un rapport publié début octobre, la commission des finances de l'Assemblée nationale en France préconisait, entre autres, de lutter contre les excès de la vente à découvert en introduisant "une présomption de fonctionnement anormal du marché dans les cas où l'ampleur de la vente à découvert d'un titre financier dépasserait une certaine limite (volume traité, pourcentage de la capitalisation ou du flottant, etc.)".

Mais en période de crise boursière, aller jusqu'à interdire la vente à découvert vise à limiter un effet d'entraînement mécanique à la baisse sur des titres déjà très fortement malmenés.

La réglementation européenne "permet en effet à une autorité, lorsqu'un instrument financier a enregistré, au cours d'une seule journée de négociation, une baisse significative, de restreindre temporairement la vente à découvert", a précisé mardi le gendarme boursier français.

"Lors de la crise de la dette en zone euro, il y avait eu des interdictions similaires sur certaines valeurs", rappelle auprès de l'AFP Alexandre Baradez, analyste chez IG France.

Certes, la vente à découvert est "un phénomène qui participe à la baisse d'un marché" et son interdiction peut "contribuer à ralentir un peu le mouvement", selon lui, mais la chute connue récemment par les indices, reflet de la peur des investisseurs, aurait eu lieu même sans les vendeurs à découvert.

Quels pays sont concernés par cette interdiction ?

Une telle mesure d'urgence vient ainsi d'être prise par plusieurs régulateurs boursiers européens, notamment en France, en Belgique, en Italie et en Espagne.

Le gendarme italien de la Bourse avait déjà interdit la vente à découvert vendredi sur 85 titres, et a réitéré la mesure ce mardi mais pour vingt titres, essentiellement des valeurs bancaires.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) lui a emboîté le pas, interdisant mardi la vente à découvert pour 92 titres à la Bourse de Paris, parmi lesquels plusieurs grands noms du CAC 40, en particulier dans la banque, l'assurance et le secteur industriel.

Le ministre français des Finances Bruno Le Maire s'est en outre dit prêt à aller "jusqu'à l'interdiction d'un mois des ventes à découvert", souhaitant que cette décision soit prise au niveau européen.

Un pas déjà franchi par l'Autorité espagnole des marchés qui a interdit à partir de ce mardi et pour un mois cette pratique.

Enfin, le régulateur belge des marchés a lui aussi interdit pour une durée de 24h mardi la vente a découvert des actions ayant perdu plus de 10% la veille.

Lundi, le gendarme européen des marchés financiers (Esma) avait quant à lui abaissé temporairement à 0,1% du capital le seuil à partir duquel un investisseur est obligé de déclarer sa position de vente à découvert sur un titre.