Affaire Business France : que savait Muriel Pénicaud ?

Par latribune.fr  |   |  652  mots
Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron à Las Vegas, lors du Consumer electronic show en janvier 2016
Dans son édition de samedi, Le Monde affirme que la ministre du Travail "était bien mieux informée (...) qu'elle ne veut le dire" dans le dossier Business France. Selon le quotidien, "de nouveaux éléments étayent le récit d'un dérapage sous la pression du cabinet du ministre Macron".

Muriel Pénicaud n'en finit pas de solder son passage à Business France, l'agence publique chargée de soutenir les entreprises exportatrices et de promouvoir l'attractivité de la France. Selon le quotidien Le Monde, qui a pris connaissance d nouveaux éléments de l'enquête en cours, l 'actuelle ministre du Travail Muriel Pénicaud était informée du coût et des modalités de l'organisation du déplacement à Las Vegas d'Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie,

Dirigé à l'époque par Muriel Pénicaud, Business France (BF) avait été chargé d'organiser en urgence une soirée à Las Vegas le 6 janvier 2016 autour d'Emmanuel Macron, dans le cadre du Consumer Electronics Show (CES), grand-messe de l'innovation technologique.

Le respect des règles

La justice soupçonne BF, qui dépend notamment de Bercy, d'avoir enfreint la réglementation sur les marchés publics en ne faisant pas d'appel d'offres pour l'organisation de la French Tech Night, confiée à Havas en décembre 2015, pour un coût de 289.019 euros.

L'enquête pour "favoritisme et recel de favoritisme", instruite notamment par le juge Renaud Van Ruymbeke, selon Le Monde, doit déterminer si Muriel Pénicaud a pu être informée en amont de dysfonctionnements, ce qu'elle nie.

Dans son édition de samedi, Le Monde affirme au contraire qu'elle "était bien mieux informée (...) qu'elle ne veut le dire". Selon le quotidien, "de nouveaux éléments étayent le récit d'un dérapage sous la pression du cabinet du ministre Macron".

Il cite notamment un courriel, récemment versé au dossier, suggérant qu'elle était au courant du coût prévisionnel de la soirée dès le 20 novembre 2015. Ce jour-là, la directrice adjointe de la promotion et de la communication de BF, Julie Cannesan lui écrit: "+Muriel, nous avons eu le cab (cabinet) Macron en ligne (...) Parmi les +points à retenir+ s'agissant du CES, celui-ci: "Budget: 300 K€ (300.000 euros, ndlr)", rapporte Le Monde.

"Cet e-mail ne caractérise pas une alerte sur un problème de régularité juridique", a réagi dans le journal l'avocat de Muriel Pénicaud Me Fabrice Dubest, évoquant des indices budgétaires "pas définitifs".

Renforcer les liens avec le cabinet Macron

D'après le quotidien, Fabienne Bothy-Chesneau, à l'époque directrice de la communication de BF a suggéré lors son audition à l'office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff) que son ancienne patronne ne pouvait être tenue dans l'ignorance des modalités d'organisation.

Elle a ainsi évoqué une première réunion "en octobre ou en novembre 2015" à laquelle Mme Pénicaud (...) nous a enjoint d'aller, soulignant qu'il était important de renforcer les liens avec le cabinet Macron", selon le quotidien. Ensuite, lors de plusieurs comités de direction, "l'organisation de la soirée a été largement évoquée sans jamais soulever l'opposition de Muriel Pénicaud", a-t-elle dit aux enquêteurs.

Fabienne Bothy-Chesneau a aussi évoqué un climat d'"urgence" au sein de BF face aux exigences supposées du cabinet Macron, à mesure que l'échéance approchait. "M'opposer à cela aurait signifié un +non+ que j'aurais dit au ministre et à son cabinet", selon elle.

Un courriel de décembre 2015 de Mme Bothy-Chesneau, révélé par le JDD, suggérait que Mme Pénicaud avait été "briéfée" à propos des difficultés, une version qu'elle a de nouveau contesté cette semaine par la voix de son avocat.

Un audit externe puis une note juridique

"Muriel Pénicaud n'a pas participé à la passation des marchés pour cette soirée. Informée a posteriori (février 2016, ndlr) de dysfonctionnements possibles, elle a diligenté un audit externe", a affirmé Me Fabrice Dubest.

Cet audit a donné lieu à un rapport en juin 2016, puis à une note juridique en septembre 2016. Ce dernier document, consulté par l'AFP, n'a pas exclu que sa "responsabilité" puisse être engagée, même si sa "participation personnelle dans le cadre du marché (...) n'a pas été identifiée".

(avec AFP)