Blocage de raffineries : l'huile de palme dans le viseur des agriculteurs

Par latribune.fr  |   |  670  mots
Les agriculteurs bloquent, depuis le 10 juin au soir, l'usine de biocarburant de Total à La Mède. Cette dernière va importer 300.000 tonnes d'huile de palme dès cet été. (Crédits : Reuters)
Depuis le 10 juin au soir, les agriculteurs bloquent les raffineries et les dépôts de carburants pour protester contre l'importation de produits agricoles ne respectant pas les mêmes normes qu'eux. Est concerné par ces blocages le site de Total à La Mède, près de Fos-sur-Mer. Cette usine de biocarburant importera 300.000 tonnes d'huile de palme d'Indonésie et de Malaisie par an dès cet été. Pour le principal syndicat agricole, c'est toute la filière du colza français qui est en danger.

Ils veulent "taper fort". Suite à l'appel de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), le principal syndicat agricole, et du mouvement des Jeunes agriculteurs (JA), les paysans protestent depuis dimanche soir contre l'autorisation donnée par le gouvernent au groupe pétrolier Total d'importer 300.000 tonnes d'huile de palme pour sa raffinerie de La Mède (Bouche-du-Rhône) près de Marseille, soit 50% des besoins de l'usine. Cela se traduit ce lundi matin par le blocage de 14 raffineries et dépôts de carburant un partout dans l'Hexagone, dont celle de La Mède, mais aussi à Strasbourg, Dunkerque, Toulouse ou encore en Île-de-France.

Pour l'instant, le mouvement est prévu pour durer trois jours, reconductibles. De son côté, Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture, a fait savoir ce lundi 11 juin chez nos confrères de RTL "que le gouvernement ne reviendra pas" sur l'accord avec Total scellé lors de la précédente mandature, tout en jugeant "illégaux" ces blocages.

Le colza revient 25% plus cher que l'huile de palme

L'importation d'huile de palme est, en effet, l'élément déclencheur de cette mobilisation. Le groupe pétrolier français avait annoncé, en juin 2017, vouloir injecter 275 millions d'euros pour transformer son site de la Mède en bio-raffinerie. Équipée de la technologie "hydrogenated vegetal oil" (dite HVO), l'usine est capable de traiter tous types d'huiles, qu'elles soient d'origine végétale (colza, soja, palme) ou qu'ils s'agisse d'huiles résiduelles usagées.

Or, dans son projet, Total avait déjà fait s'avoir qu'il s'approvisionnera exclusivement en huile de palme, produit controversé car accusé de favoriser la déforestation en Asie du Sud-Est, mais qui représente un rendement 4 à 5 fois supérieur à celui du colza par exemple. À titre de comparaison, le colza revient 25% plus cher environ que l'huile de palme, en moyenne. Néanmoins, début juin, Patrick Pouyanné, le Pdg de Total, s'est engagé à utiliser 50.000 tonnes de "colza français".

Aujourd'hui, la FNSEA, soutenue par les associations écologistes, dénoncent ni plus ni moins la concurrence déloyale de l'huile de palme importée de Malaisie et d'Indonésie notamment, qui ne serait pas soumise aux mêmes exigences environnementales que leur impose la loi française.

« Les discussions sur le Mercosur, les pays d'Amérique du Sud, est en cours et nous ne voulons pas que de nouveaux accords soient signés. Et puis pour la mède, ce sont 30.000 emplois qui sont en jeu, je pense que ça vaut le coup de se mobiliser », a indiqué Christiane Lambert, présidente de la fédération.

L'UE a pourtant interdit l'utilisation d'huile de palme comme agro-carburant

L'autorisation donnée par le gouvernement à Total pour importer 300.000 tonnes d'huile de palme pour la raffinerie de La Mède a été "la goutte d"huile de palme qui fait déborder la coupe des problèmes des paysans", résume Pierre Lebaillif, président des Jeunes agriculteurs de Normandie, interrogé par l'AFP. D'autant plus que, selon la présidente de la FNSEA, la France a développé depuis des années une filière colza pour contribuer à la fois aux carburants verts et à l'alimentation des animaux.

« En faisant venir de l'huile de palme, on porte un coup très dur à la filière colza. C'est une incohérence que le gouvernement doit résoudre ».

Cette décision vient également en totale contradiction avec le vote du Parlement européen qui s'est prononcé en janvier dernier pour "l'élimination progressive" de l'usage d'huile de palme contre agro-carburant sur le territoire de l'union d'ici à 2021.

Ni plus ni moins, la FNSEA et JA demandent la réintroduction dans la loi Alimentation, examinée à partir du 26 juin au Sénat, d'un amendement sur l'interdiction d'importer toute denrée produite en utilisant des substances phytosanitaires interdites dans l'Union européenne. Aussi, ils réclament un allègement du coup du travail salarié de saisonniers "qui est 27% plus élevé en Allemagne et 37% plus qu'en Italie", selon Christiane Lambert.

(avec AFP et Reuters)