Déficit public : la Cour des comptes fait la leçon aux candidats à la présidentielle

Par latribune.fr  |   |  670  mots
Le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, s'alarme : "Le redressement de nos comptes publics est encore loin d'être acquis et nos finances publiques sont encore fragiles et vulnérables, ce qui tend à nous isoler et à nous affaiblir."
Plusieurs candidats à la présidentielle se sont engagés, s'ils étaient élus, à tenter de relancer la croissance par une politique budgétaire expansionniste, quitte à déroger à la règle européenne des 3% de déficit public. Pour la Cour des comptes, il est temps de sonner le tocsin.

Ce jeudi, alors que le troisième et dernier débat à la primaire de la gauche doit se tenir ce soir et que le "candidat-élu" à la primaire de la droite, François Fillon, tâtonne encore sur la question, Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, a exhorté tous les candidats à la présidentielle à ne pas relâcher les efforts entrepris pour assainir les finances publiques.

"La Cour a eu l'occasion de souligner les efforts et les progrès intervenus dans les années récentes", tant sur le plan des "dépenses publiques locales" et des "finances de la Sécurité sociale" qu'au niveau des comptes de l'Etat, a souligné M. Migaud, à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes.

Un redressement des comptes loin d'être acquis

En présence du Premier ministre, Bernard Cazeneuve, et de plusieurs membres du gouvernement, l'ancien député socialiste apportait aussitôt cette nuance :

"Le redressement de nos comptes publics est encore loin d'être acquis et nos finances publiques sont encore fragiles et vulnérables, ce qui tend à nous isoler et à nous affaiblir."

Le gouvernement a annoncé mardi avoir réduit plus que prévu le déficit du budget de l'Etat en 2016, à 69 milliards d'euros contre 72,3 initialement prévu, et 70,5 milliards l'an dernier.

Les comptes de l'Etat sous les 3% en 2017 ? Oui, sauf si...

Cette baisse devrait permettre au déficit public, qui englobe les comptes de l'Etat mais également ceux des collectivités locales et de la Sécurité sociale, d'être conforme aux prévisions, soit 3,3% du produit intérieur brut - le gouvernement ayant prévu en 2017 un retour sous la barre des 3% exigée par Bruxelles.

Malheureusement ce mouvement vertueux pourrait être contrecarré par "plusieurs tendances lourdes" qui vont compliquer l'atteinte de cet objectif dans les années à venir. Mais deux facteurs favorables à cette maîtrise des dépenses pourraient disparaître :

  • La fin de la baisse des taux d'intérêt (40% de la réduction du déficit public)

"La Cour a estimé que 40% de la réduction du déficit public intervenue depuis 2011 était due à la baisse des taux d'intérêt". Or "le risque de voir la charge d'intérêts se mettre à progresser est tout sauf négligeable", a prévenu Didier Migaud, pour qui les choix "qui seront opérés en 2017" seront décisifs.

  • La fin de la modération salariale des fonctionnaires (7 milliards)

Le gel du salaire des fonctionnaires pendant 6 ans, qui a permis à l'Etat d'économiser 7 milliards d'euros, a pris fin en 2016 et se poursuivra en 2017. "Les fonctionnaires ont largement contribué à l'effort de redressement des finances publiques", avait expliqué le ministère de la Fonction publique avant d'annoncer le 17 mars 2016, une hausse de 1,2% du point d'indice. Un coup de pouce qui s'effectuera eu deux fois : + 0,6 % au 1er juillet 2016 et + 0,6 % au 1er février 2017.

Pourquoi Didier Migaud veut faire respecter la règle des 3%

Plusieurs candidats à la présidentielle se sont engagés, s'ils étaient élus, à tenter de relancer la croissance par une politique budgétaire expansionniste, quitte à déroger à la règle européenne des 3% de déficit public.

Une option risquée, selon Didier Migaud, selon qui "la poursuite du redressement des comptes publics n'est pas une fin en soi" mais "une condition sine qua non de la préservation et du renforcement de nos services publics".

La pédagogie d'un audit général des finances publiques ?

La Cour des comptes, qui a annoncé avoir "pris l'initiative de préparer la conduite d'une audit général des finances publiques", dans le cadre d'un rapport qui sera publié en juin, appelle ainsi à "accorder plus d'attention aux résultats" des politiques publiques avant de mettre en place de nouvelles réformes.

"J'ai bien conscience que c'est une révolution, au moins copernicienne, à laquelle la Cour appelle, mais je crois que nous sommes ici nombreux à être convaincus que le temps de ce changement est venu", a conclu M. Migaud.

(avec AFP)