Croissance, déficit... Bercy et les économistes se contredisent

Plusieurs économistes de banque doutent des prévisions de Bercy pour 2016 et 2017. L'objectif de réduction du déficit public est-il encore atteignable ?
Fabien Piliu
Bercy vise une croissance de 1,5% du PIB en 2016 et 2017. Un certain nombre d'économistes doutent.
Bercy vise une croissance de 1,5% du PIB en 2016 et 2017. Un certain nombre d'économistes doutent. (Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2012. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp)

Michel Sapin, le ministre de l'Economie et des Finances est sûr de son fait. Le PIB progressera de 1,5% en 2016 et en 2017. Il vaudrait mieux, car si cette hypothèse de croissance ne devait pas se vérifier, les ambitions de réduction de déficit public à 3,3% et 2,7 % du PIB en 2016 et en 2017 deviendraient délicates à réaliser.

Après le coup de froid sur l'activité enregistré au deuxième trimestre, période au cours de laquelle le PIB tricolore a stagné, un certain nombre d'économistes ne sont pas sur la même longueur d'ondes que le ministère de l'Economie et des Finances. Depuis juillet, on sait que le Fonds monétaire international (FMI) est moins optimiste que le gouvernement. L'institution de Washington qui a pris en compte les effets attendus du Brexit sur l'activité anticipe une hausse de 1,5% du PIB cette année et de seulement 1,2% en 2017. Les experts de la Société Générale sont également plus prudents que Bercy. Ils visent une progression du PIB de 1,4% cette année et de 1,3% en 2017. Ceux du Crédit agricole anticipent pour leur part une hausse de 1,3% du PIB cette année puis de 1,4% l'année prochaine.

Ralentissement de l'investissement

"Dans les prochains trimestres, l'activité serait tirée par la demande intérieure. La reprise amorcée par l'investissement des ménages et le marché immobilier se poursuivrait grâce à la faiblesse des taux d'intérêt et à la hausse modeste de l'emploi, qui soutiendraient aussi la consommation. D'ailleurs, les revenus réels des ménages resteraient bien orientés, malgré la légère remontée de l'inflation que nous prévoyons en 2017, du fait des prix de l'énergie. L'investissement des entreprises continuerait de croître, soutenu par la poursuite du redressement de leur taux de marge. Son rythme de progression se modérerait toutefois en 2017, car le taux d'investissement des entreprises est déjà revenu à un niveau élevé compte tenu de la mollesse persistante de l'activité ", anticipe-t-on à la Société Générale, estimant que les exportations continueraient de progresser moins rapidement que les importations.

Au Crédit Agricole, les économistes prévoient un ralentissement de la la consommation des ménages, de la consommation publique ainsi que de l'investissement.

Réduire le déficit public devient un casse-tête

Dans ce contexte, non pas morose, mais conforme à ce que les derniers indicateurs de conjoncture laissent augurer, l'objectif de réduction du déficit public à 3,3% du PIB puis à 2,7% en 2016 - sans oublier le déficit de la Sécurité sociale qui dépend de l'évolution de la masse salariale - sont-ils encore atteignables ? Au Crédit Agricole, on table sur un déficit de 3,3% cette année - comme le gouvernement donc - mais de 3% en 2017.

Les experts de la Société Générale doutent encore fortement. " Malgré le maintien de la croissance, le déficit public pourrait ne pas baisser notablement en 2017, après un repli modeste attendu en 2016. Le gouvernement a en effet indiqué que les récentes mesures de relâchement budgétaire - moindre repli des dotations aux collectivités locales, baisse ciblée de l'impôt sur le revenu en 2017, revalorisation du point d'indice des fonctionnaires...-  ne seraient pas intégralement compensées par des baisses de dépenses sur d'autres postes. L'objectif d'un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2017 semble donc difficile à atteindre ", précisent ses experts, visant des déficits de 3,3% cette année et de 3,2% en 2017.

L'OFCE est plutôt confiant

Heureusement pour le gouvernement, tous les économistes ne remettent pas en cause ses prévisions. A l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), c'est une hausse de 1,6% du PIB qui est attendue en 2016 et en 2017. Toutefois, même si cette performance devait se réaliser, la réduction du déficit public ne serait pas aussi forte qu'espérée. Selon les calculs de l'OFCE, le déficit public atteindrait 3,1% du PIB cette année et 2,7% l'année prochaine.

" En 2017, avec un taux de croissance de 1,6 %, l'économie française continuerait à croître à un rythme légèrement supérieur à son potentiel (1,3 %). Elle créerait 165.000 emplois, ce qui, en raison du rebond de la population active avec le retour progressif sur le marché du travail des personnes ayant bénéficié du plan formation, permettrait tout juste de stabiliser le taux de chômage à 9,5 % en 2017. Enfin, le déficit public atteindrait 2,7 % du PIB en 2017, repassant sous la barre des 3 % pour la première fois depuis dix ans. Si l'on reste encore loin d'une croissance vigoureuse et du niveau de chômage d'avant-crise, la France semble cependant entamer sa lente convalescence, notamment par le redressement du pouvoir d'achat des ménages, la baisse du chômage, l'amélioration de la compétitivité des entreprises et la réduction du déficit public ", précise l'OFCE.

La confiance règne au ministère de l'Economie et des Finances

Face à cette vague de scepticisme qui entoure ses prévisions, Bercy reste confiant. Dans l'entourage du ministre, on estime que les objectifs de croissance seront tenus... un jour ou l'autre. Au ministère, on s'en remet également aux révisions parfois conséquentes des statistiques de croissance par l'Insee. En 2014, après avoir été annoncé en hausse de 0,2%, le PIB a finalement augmenté de 0,7%.

Et si l'objectif de croissance n'était pas tenu, ce ne serait "qu'à quelques 'pouillèmes", ce qui n'empêcherait pas la France de réduire, comme prévu, le déficit public, compte tenu notamment des anticipations de recettes fiscales.

Fabien Piliu
Commentaires 3
à écrit le 04/10/2016 à 17:37
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Sans doute faudrait-il embaucher des indépendants au lieu de voir les PS et les LR s'affronter :-) Le fait est que la facture de l'après Hollande va être salée dans tous les cas :-)

à écrit le 04/10/2016 à 15:13
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"Plusieurs économistes de banque" Ceux qui n'ont pas vu arriver la plus grave crise financière de toute notre histoire, celle de 2008. Des gens à qui on peut faire confiance les yeux fermés en effet...

le 04/10/2016 à 19:51
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La plus grave crise financière? oui mais attendez la suivante et vous verrez que ce n'était qu'un amuse gueule :)

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