Impôts : l'exil des plus fortunés s'est accéléré entre 2010 et 2015, malgré l'exit tax

Par latribune.fr  |   |  562  mots
Malgré la mise en place d'une "exit tax", l'exil des contribuables les plus fortunés s'est accéléré entre 2010 et 2015. (Crédits : Reuters/Benoit Tessier)
Un rapport de Bercy, révélé par nos confrères des Echos ce vendredi, montre que les départs des contribuables les plus riches ont été multipliés par trois entre 2010 et 2015 malgré l'existence de "l'exit tax" qu'Emmanuel Macron entend supprimer en 2019.

L'exil des contribuables, dont le revenu est supérieur à 100.000 euros annuels, s'est accéléré. D'après le dernier rapport de Bercy, révélé par nos confrères des Echos ce vendredi, ils ont été trois fois plus nombreux en 2015 qu'en 2010 et ce, malgré l'application de l'exit tax. Durant cette période, l'administration fiscale a reçu en moyenne, chaque année, entre 300 et 400 déclarations d'exit tax. Le montant des plus-values déclarées s'est élevé à 2,9 milliards d'euros en 2015.

Dans le détail, les contribuables dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 100.000 euros sont 4.326 à avoir quitté la France en 2015. Ceux dont le revenu est supérieur à 300.000 euros sont 634, tandis que 754 foyers redevables à l'ISF ont quitté l'Hexagone la même année (contre 837 en 2014).

Cette donnée donnera sans doute du grain à moudre au chef de l'État pour justifier sa volonté de supprimer l'exit tax dès 2019, au nom de la "liberté d'investir".

Un impôt de l'ère Sarkozy qui cible les plus fortunés

Pourtant cet impôt, décidé sous la présidence de Nicolas Sarkozy en 2011, avait justement l'objectif inverse de freiner l'exil fiscal, notamment vers la Belgique, en imposant les plus-values (à hauteur de 19%) sur des participations détenues par les contribuables qui quittent l'hexagone. La mesure s'applique aux contribuables ayant passé au moins six ans en France, et concerne les personnes détenant un patrimoine en actions et obligations supérieur à 800.000 euros ou au moins 50% du capital d'une entreprise.

En effet, les entrepreneurs sont nombreux à avoir pris l'habitude de quitter la France pour revendre leur société depuis Bruxelles. Le rapport de Bercy montre aussi que la Suisse, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont les pays les plus prisés par les plus fortunés.

Bruno Le Maire nie toute politique "socialement injuste"

Alors oui, comme l'a indiqué Emmanuel Macron dans les colonnes du magazine Forbes, l'exit tax n'est "pas particulièrement intéressant pour les finances publiques, il est très petit". Selon les données transmises par Bercy à l'Assemblée nationale, ce prélèvement a rapporté quelque 70 millions d'euros en 2017 à l'État (loin de l'estimation initiale de 200 millions d'euros attendus lors de sa création).

Mais la démarche de mettre fin à cet impôt au nom de la "liberté d'investir" dès 2019 interroge autant à gauche à droite. Au PS, le Premier secrétaire du parti Olivier Faure est monté au créneau en condamnant le projet présidentiel qui favoriserait selon lui l'évasion fiscale. "En décembre la fin de l'ISF et la flat tax devaient servir l'investissement en France. Qui croira encore à cette fable ? Même l'évasion fiscale n'est plus découragée !" a-t-il déclaré sur Twitter. Et à droite, Valérie Pécresse a jugé "normal qu'ils paient leurs impôts en France".

Au sein de l'exécutif, on se défend de mener une politique "socialement injuste". Jeudi sur France 2, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a qualifié l'exit tax " d'effet repoussoir pour les investisseurs et les entrepreneurs".

Sa suppression va "inciter les investisseurs à venir. Ils savent que s'ils viennent, ils ne seront pas piégés avec une exit tax qui les empêcherait à un moment ou à un autre, s'ils le souhaitent, de repartir de France (...) C'est un cadeau pour l'attractivité de la France", a-t-il ajouté.

(avec AFP et Reuters)