Fiscalité, social, finances publiques... les points-clés des réformes Macron

Par Fabien Piliu  |   |  1080  mots
Lors de la campagne électorale, Emmanuel Macron a présenté un programme relativement équilibré entre relance par la demande et politique de l'offre assumée, en ligne avec celui en vigueur depuis 2014.

Lors de la campagne électorale, Emmanuel Macron a prévenu. La transformation de la France ne prendra pas un, mais au moins deux quinquennats.

Comme si l'ancien ministre de l'Économie de François Hollande avait déjà anticipé les difficultés à réformer le pays en douceur. C'est aussi pour cette raison que son programme est plutôt consensuel, en droite ligne avec la politique menée depuis 2014, ce que dénoncent ses détracteurs d'hier et d'aujourd'hui. Il repose sur deux leviers : la relance par la demande et une politique de l'offre. Concrètement, son programme repose sur une hypothèse d'économies de 60 milliards d'euros, via une baisse, sur cinq ans, de trois points de la dépense publique par rapport au PIB, pour la ramener à la moyenne européenne - et un programme d'investissements d'un montant de 50 milliards d'euros sur toute la durée du quinquennat. Cette double priorité traduit sa volonté de ne pas laisser déraper le déficit public et de permettre à la France de respecter ses engagements européens, seule condition selon lui, pour envisager une coopération économique plus forte en Europe et en particulier avec l'Allemagne.

« Nous respecterons dès le début du quinquennat la limite des 3% de déficit public, parce que c'est la condition d'une restauration de notre capacité à agir lors de la prochaine récession. C'est aussi la condition de notre crédibilité européenne. La part de la dépense publique dans le PIB baissera de trois points entre 2017 et 2022 (à 52 % en 2022). Le ratio dette publique baissera de près de cinq points (à 93,2 % en 2022) », indiquait le cadrage macroéconomique du candidat d'En Marche !

Moins de fonctionnaires

Dans le détail, 25 milliards d'euros d'économies seront réalisés en ciblant les dépenses sociales, avec une baisse du coût du chômage et de l'assurance maladie. Quant à la réforme des retraites envisagée, elle n'aurait, selon les calculs de son équipe d'économistes menée par Jean Pisani-Ferry, aucun impact budgétaire. L'État et les collectivités territoriales devront aussi faire des efforts en réduisant leurs frais de fonctionnement, efforts qui devraient respectivement s'élever à hauteur de 25 et 10 milliards d'euros.

Au cours de son quinquennat, 50.000 postes dans la fonction publique d'État et 70.000 dans les collectivités territoriales seront supprimés. Seule la fonction publique hospitalière est épargnée par ce coup de rabot. Au total, cet effort permettrait à l'État de réaliser trois milliards d'euros d'économies sur cinq ans.

Côté investissements, Emmanuel Macron prévoit d'injecter 50 milliards d'euros sur la durée du quinquennat. Les secteurs prioritaires seront la transition écologique (15 milliards d'euros), les compétences (15 milliards d'euros), mais aussi l'agriculture, la santé et la modernisation des administrations publiques, secteurs qui bénéficieront tous d'un effort de l'État chiffré à cinq milliards d'euros.

Des mesures pour les ménages et les entreprises

Pour augmenter le pouvoir d'achat, Emmanuel Macron prévoit de supprimer les cotisations salariales chômage et famille sur tous les salaires - une mesure financée par une hausse de la CSG et une hausse de 50% de la prime d'activité. Il entend également exonérer de taxe d'habitation 80% des contribuables qui l'acquittent. Les épargnants ne sont pas oubliés. Ainsi, la fiscalité du capital (intérêts, loyers, dividendes, plus-values) sera réformée, avec la mise en place d'un prélèvement forfaitaire unique au taux de l'ordre de 30 %, prélèvements sociaux inclus. La fiscalité de l'assurance-vie sera également revue pour les futurs contrats afin de tenter de réorienter l'épargne vers l'économie productive.

Pour les entreprises, reprenant une promesse de François Hollande, Emmanuel Macron prévoit de transformer le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements pérennes de charges jusqu'à 2,5 fois le Smic. Il souhaite aussi supprimer les dernières charges patronales qui pesaient au niveau du Smic, en lissant jusqu'à 1,6 fois le Smic. Comme promis par Michel Sapin, le dernier ministre de l'Économie et des Finances du quinquennat Hollande, le taux d'impôt sur les sociétés sera abaissé de 33,3 % à 25 % pour le ramener au niveau de la moyenne européenne. Un taux qui sera toujours bien plus élevé que dans certains pays européens. Rappelons que pour maintenir l'attractivité de son territoire - que le Brexit pourrait écorner -, le Royaume-Uni a abaissé en avril son taux d'impôt sur les sociétés (IS) de 20 % à 19 %, ce qui en fait le taux le plus faible des pays du G20.

Des prévisions de croissance prudentes ou audacieuses ?

Quels effets sur la croissance, cette stratégie peut-elle entraîner ? Selon les calculs des économistes qui entourent Emmanuel Macron, le PIB progresserait de 1,7% en moyenne annuelle sur le quinquennat. Sachant que COE-Rexecode estime à 1% le taux de croissance potentielle de la France, on peut estimer que cette prévision est plutôt audacieuse.

On le voit, sur le papier : le programme d'Emmanuel Macron est mathématiquement cohérent. Reste à savoir quel sera l'accueil qui lui sera réservé lorsque les premières ordonnances seront publiées. Certains points de blocage sociaux sont envisageables, d'autant plus qu'entre les deux tours de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron n'a fait aucune concession. Ainsi, la modernisation du statut de la fonction publique avec des mobilités facilitées, une rémunération au mérite, des recrutements hors statut pour l'encadrement et une gestion de la rémunération des fonctionnaires territoriaux laissée à la main des collectivités, risque de faire grincer les dents.

Même chose pour ce qui constitue la principale révolution de son programme : l'indemnisation du chômage. Emmanuel Macron souhaite que le nouveau système, plus universel, mais plus contraignant, voire coercitif, soit désormais géré par l'État, excluant les partenaires sociaux aux manettes depuis 1945.

Si le contenu des premières ordonnances est trop brutal, si la pédagogie des mesures est mal faite, notamment sur la réforme du droit du travail, on peut raisonnablement penser qu'une partie des Français - Emmanuel Macron n'a recueilli que 24% des voix au premier tour de l'élection présidentielle, faut-il le rappeler - feront connaître leur mécontentement, dans la rue par exemple, soutenus par une partie des partenaires sociaux et en particulier certains syndicats de salariés qui refuseront tout passage en force.

Certains promettent déjà une rentrée très chaude.