Grand débat, petites réponses : l'opposition déçue, les Français pas convaincus

Par Reuters  |   |  883  mots
(Crédits : Reuters)
Le chef de l'État a livré jeudi devant la presse ses réponses au Grand débat national, pour tenter d'éteindre la crise des "Gilets jaunes" et relancer son quinquennat, à un mois des élections européennes. Peu enthousiastes, opposition comme syndicats jugent les mesures "imprécises". D'autres parlent carrément d'un virage social manqué. Les Français, eux, ne semblent pas non plus convaincus par la prestation d'Emmanuel Macron.

"Porte ouverte" ou "mascarade", opposition et syndicats sont partagés ce vendredi sur les mesures présentées par Emmanuel Macron dans l'espoir d'éteindre la contestation des "Gilets jaunes". Mais tous s'accordent pour les juger imprécises, voire un peu courtes, notamment sur l'écologie. Jeudi soir, le président a parlé de réindexation des retraites sur l'inflation, de baisse de l'impôt sur le revenu, d'un allongement de la durée de cotisation - sans changer l'âge légal de départ à la retraite -, et de réductions de la dépense publique.

Mais selon un sondage Harris Interactive-Agence Epoka pour RTL, Le Figaro et LCI réalisé après les annonces auprès de 807 personnes, 63% de sondés n'ont pas été convaincus par les annonces du chef de l'État.

Pour Laurent Berger, ce n'est "ni l'extase, ni la dépression"

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui avait appelé à la tenue d'un "Grenelle" du pouvoir d'achat pour répondre aux "Gilets jaunes" et regretté un manque de dialogue du chef de l'État avec les organisations intermédiaires, s'est placé vendredi dans une position constructive, à défaut d'être enthousiaste. « Ce n'est ni l'extase, ni la dépression, il y a des portes ouvertes dans lesquelles il faut s'engouffrer, et il y a des manques, sur lesquels je continuerai de dire que c'est insuffisant », a-t-il déclaré sur RTL.

« C'est insuffisant sur l'écologie, il y a des mesures en terme de justice sociale qui ne sont pas claires », a-t-il précisé, tout en saluant l'annonce de l'augmentation du minimum contributif des retraites, de 640 euros à 1.000 euros. « Tout ça se mesure à l'aune du passage de la parole aux actes. On va voir si les actes suivent », a-t-il ajouté. « C'est loin de répondre à l'ambition que l'on portait, on va continuer de se battre, mais il est hors de question pour moi ce matin, de dire qu'il n'y pas eu quelques ouvertures. »

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a estimé sur BFM TV, que « aucune des questions qui sont dans les mobilisations, je pense à la question des salaires par exemples ou du smic qui est du ressort du gouvernement, à la question de l'ISF et de la justice fiscale, eh bien aucune de ces revendications n'a été satisfaites par la bouche du président de la République. »

Un manque d'engagement pour le climat

À gauche, on déplore un virage social manqué et l'absence de la question écologique après l'annonce d'une convention citoyenne sur la transition écologique aux contours encore flous. Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), a dénoncé des mesures "en trompe-l'œil", comme sur le maintien de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans (assorti d'une augmentation de la durée de cotisation) ou encore la simplification annoncée du référendum d'initiative partagée (assortie d'une baisse du nombre de parlementaires).

« C'était un grand débat paraît-il, ce sont de petites réponses », a t-il déclaré sur France 2. « Toutes celles et ceux qui ont accompagné le chef de l'Etat venant de la gauche et qui espéraient une inflexion sociale, écologique démocratique, où est elle cette inflexion ? Nulle part », a-t-il estimé.

Pour le député La France insoumise (LFI) Alexis Corbière, qui s'exprimait sur BFM TV, « il y autant de raisons voire même plus, de continuer à se mobiliser car ce président n'entend rien ». Yannick Jadot, tête de liste des Verts (EELV) aux élections européennes, a regretté pour sa part une forme, selon lui, d'inaction face à l'urgence climatique.

« On attendait d'un président qu'il agisse à la hauteur de ce qu'il prétend, sur l'urgence climatique. Malheureusement, il organise une nouvelle fois le report, la procrastination, l'inaction en matière de climat. C'est terrible parce qu'il y a urgence », a-t-il dit sur France 2.

Des gages données aux Républicains sur les réductions d'impôts

À droite, le président des Républicains (LR), Laurent Wauquiez, a fustigé des corrections à la marge, signes selon lui d'une présidence en zigzag.

« Ce qui me gêne c'est que je n'ai pas senti cette constance, un président ça ne peut pas être une girouette », a-t-il lâché sur Europe 1, citant des marches arrières sur le pouvoir d'achat des retraités, la gestion de l'immigration ou les crédits d'impôts pour les entreprises.

Le leader de la droite réclame une baisse d'impôt de 10% pour les classes moyennes, son "obsession". Au même moment, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin précisait sur RTL la baisse des impôts de 5 milliards d'euros annoncée par Emmanuel Macron qui représenterait « à peu près 10% pour chacun des Français qui paient l'impôt sur le revenu, à l'exception des plus riches d'entre eux ».

La tête de liste LR aux européennes, François-Xavier Bellamy, a quant à lui salué la baisse annoncée de l'impôt sur le revenu :

« Je ne peux pas ne pas me satisfaire que certaines mesures soient prises, qui correspondent exactement à ce que nous demandions », a-t-il reconnu, tout en estimant que le débat avait débouché sur la « redécouverte de ces évidences ».