La loi Travail « instrumentalisée» par Manuel Valls  ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  328  mots
Proposer une réforme du droit du travail d'une telle ampleur à quatorze mois de l'élection présidentielle, il fallait oser. S'il se représente en 2017, François Hollande pourra dire à son opposant de droite : « La réforme du droit du travail vous en parlez, moi je l'ai réalisée. »

Qui aurait pu imaginer que le « totem » des 35 heures serait aussi ébréché par un gouvernement « de gauche » ? Qui aurait pu songer qu'un gouvernement majoritairement socialiste aurait plafonné les indemnités prud'homales ou « facilité » le licenciement économique ? En vérité, le projet de loi El Khomri — vite surnommé El Macron par ses opposants — marque une étape importante dans la lente recomposition politique qui se dessine. Au-delà de 2017, Manuel Valls semble vouloir utiliser ce texte pour se couper d'une partie de la gauche qu'il juge « irréconciliable » avec celle qu'il entend incarner.

Les mots du Premier ministre ne trompent pas, pour voter ce texte, il espère certes convaincre d'abord « une majorité de gauche ». Sinon, tant pis, il ne boudera par les voix de l'UDI et du parti « Les Républicains » à l'Assemblée nationale, si cela peut lui éviter de passer par le « 49-3 » (article qui permet l'adoption sans vote). Le texte permet à Manuel Valls de se draper dans la posture du réformiste qui est tout à fait disposé, à l'avenir, à travailler avec des hommes et femmes politiques qui, pour l'instant, ne sont pas dans son camp : « J'appelle à dépasser les clivages républicains dans la bataille pour l'emploi. »

Un projet  pour faire converger des personnalités politiques de camps différents

Le message est donc très clair, encore plus que lors des débats sur le vote de la loi Macron en 2015 : avec cette loi sur le travail, Manuel Valls est en passe de faire le deuil du soutien d'une frange du PS... D'où sa réponse assez forte à Martine Aubry. Son nouvel horizon politique se déplace vers le centre et une partie de la droite où de grands chamboulements devraient également intervenir après 2017. La loi El Khomri, dans l'esprit du Premier ministre, va ainsi servir de réel premier point de convergence pour des personnalités issues de diverses forces politiques et qui partagent avec l'actuel Premier ministre le souhait de parvenir à une grande recomposition.