La taxe d'habitation supprimée en trois ans pour 17 millions de ménages

Par latribune.fr  |   |  711  mots
Après la "flat tax" et la réforme de l'ISF, les députés ont voté samedi la dernière mesure fiscale phare du projet de budget 2018, la fin progressive de la taxe d'habitation pour 80% des ménages.

Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des ménages français est désormais inscrite dans les tables de la loi de finances pour 2018. Cette réforme-phare redistribuera en trois ans 10 milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français, sauf les plus aisés, et compensera, en partie ou totalement selon les cas, la hausse de la CSG. Elle a été approuvée samedi matin à l'Assemblée nationale par 65 voix contre 14 et 3 abstentions, avec l'aval de la majorité LREM et MoDem. Les élus LR ont voté contre, comme les Insoumis et communistes, tandis que les Constructifs se sont partagés, et Nouvelle Gauche s'est abstenue.
Le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a salué "un moment très important" avec cet article qui "rendra 10 milliards de pouvoir d'achat à nos concitoyens". La réforme débutera par une première baisse de 30% en 2018 puis de 65% en 2019 et 100% en 2020 pour les quelque 17 millions de ménages concernés. Cela représentera un coût de trois milliards d'euros l'an prochain, puis 6,6 milliards et de 10,1 milliards en 2020.

Après le vote de cet article, les députés ont adopté dans la foulée un amendement du gouvernement pour répercuter le dégrèvement de la taxe d'habitation pour les pensionnaires des Ehpad (maisons de retraite) qui ne la paient pas directement. Il s'agissait de résoudre "un angle mort", pour ces retraités touchés par la hausse à venir de la CSG, selon les termes d'un élu LREM.

Un autre amendement gouvernemental a été adopté pour continuer à exonérer quelque 500.000 foyers, notamment des personnes âgées, qui auraient dû la payer en 2017 et 2018 du fait de réformes précédentes. Au cours de débats globalement apaisés, la majorité a vanté une "réforme juste, claire et lisible" sur une taxe "injuste", Amélie de Montchalin (LREM) insistant sur une mesure "vraiment favorable et totalement ciblée sur les classes moyennes".

Polémique sur la compensation

Dans un communiqué, le chef de file du groupe Richard Ferrand a aussi assuré que les ressources des collectivités, qui proviennent à 36% de la taxe d'habitation, "seront inchangées: l'Etat remboursera leur manque à gagner à l'euro près.

Mais nombre d'élus LR sont montés au créneau pour dénoncer une "mise sous tutelle des collectivités", craignant que la compensation "intégrale" ne soit pas pérenne.Pierre-Henri Dumont s'est ainsi dit "touché de voir autant de naïveté politique de la part du nouveau monde", car "on commence par nous dire que la première année, c'est 100% de compensation", mais "après on ampute de 5%, 10%..."  "Vous êtes peut être des génies sortis de votre petite bouteille", mais "l'Etat ne compense jamais", a abondé le Constructif Bertrand Pancher. Marc Le Fur (LR) a aussi observé que "la mauvaise nouvelle" de la hausse de la CSG est pour "tout de suite, tandis que vous étalez sur trois ans" celle sur la taxe d'habitation. Pour Eric Woerth, président LR de la commission des Finances, la réforme va faire "deux victimes: la dette parce qu'il faudra bien rembourser tout ça aux collectivités", et les communes "qui perdent une partie encore supplémentaire de leur indépendance".

Vers des désillusions

Au nom des élus Nouvelle Gauche, Christine Pirès-Beaune a observé que les collectivités gardaient le pouvoir d'augmenter le taux de la taxe, appelant la majorité à "faire attention parce que vous allez créer beaucoup de désillusion". "Cette mesure nous laisse particulièrement dubitatifs", a aussi affirmé Marie-George Buffet (PCF) pour qui ce qui sera donné via la taxe d'habitation "va être repris" notamment via la CSG, mesure phare du projet de budget de la Sécurité sociale. Clémentine Autain (LFI) a aussi fustigé une "fausse bonne idée" car les maires vont être privés de moyens pour agir et "les catégories populaires vont en payer le prix à long terme", estimant aussi que "la compensation in fine est un leurre".

Plus de 570 amendements restaient à examiner d'ici la fin de la soirée, voire lundi, avant le vote solennel mardi en première lecture sur cette première partie du projet de budget, consacrée aux recettes.
(Avec AFP)