Lutte contre le réchauffement climatique : la justice condamne la France à tenir ses engagements

Par latribune.fr  |   |  555  mots
La justice estime le déficit à 15 millions de tonnes d'émission de CO2 par rapport à la trajectoire carbone défendue par le gouvernement sur la période 2015 - 2018. (Crédits : STEPHANE MAHE)
La justice ordonne au gouvernement de "réparer" ses engagements non tenus de baisse des émissions de gaz à effet de serre sur la période 2015-2018. Le déficit s'élève à 15 millions de tonnes d'émission de CO2 par rapport à la trajectoire carbone actée par la France. L'exécutif a jusqu'au 31 décembre 2022 pour rattraper ce retard.

Tout est parti d'une pétition, "l'affaire du siècle", signée par 2,3 millions de Français en 2018, portée par quatre associations qui ont ensuite saisi le tribunal administratif. L'objet : faire reconnaître par la justice les carences de l'État dans la lutte contre le réchauffement climatique. Deux ans plus tard, ce jeudi 14 octobre, la juridiction ordonne à l'administration française de "réparer" ses engagements non tenus de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

La justice estime le déficit à 15 millions de tonnes d'émission de CO2 par rapport à la trajectoire carbone défendue par le gouvernement sur la période 2015-2018. "Il y a lieu d'ordonner au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice", ordonnent les juges.

Le jugement impose à la France de rattraper ses objectifs avant le 31 décembre 2022. Un échéancier a été fixé. De leur côté, les ONG demandaient une astreinte financière de 78 millions d'euros par semestre de retard, une exigence refusée finalement par les magistrats.

"On a gagné", ont tweeté chacun de leur côté Cécile Duflot et Jean-François Julliard, respectivement patrons d'Oxfam et Greenpeace France, deux des ONG plaignantes. "Les dirigeants sont désormais obligés de respecter les engagements climatiques de la France", s'est réjoui Notre Affaire à tous, alors que pour la Fondation Nicolas Hulot, quatrième plaignant, "la France est condamnée à réparer les conséquences de son inaction climatique!"

L'Etat jugé "responsable"

En février 2021, le tribunal de Paris avait jugé "responsable" l'Etat de manquements dans la lutte contre le réchauffement. Il avait cependant ordonné un délai pour étudier l'opportunité de réclamer des mesures supplémentaires à la France.

Lors de ce jugement daté de début 2021, le juge administratif reconnaissait non seulement l'existence d'un préjudice écologique découlant du réchauffement climatique, et la possibilité que sa réparation soit demandée aux personnes publiques par des ONG. Il établissait que l'Etat peut en être considéré partiellement responsable, notamment pour ne pas avoir respecté les engagements qu'il avait lui-même pris dans le cadre de son premier budget carbone pour la période 2015-2018. La décision de ce jeudi 14 octobre s'inscrit donc dans ce processus judiciaire.

D'autres nuages climatiques à venir sur la tête de l'État

Cette décision est la dernière d'une série condamnant l'Etat pour ses manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique. En juillet, dans une décision séparée qualifiée "d'historique" par les militants écologistes, le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative du pays, avait déjà ordonné à l'Etat de prendre d'ici au 31 mars 2022 des mesures permettant de respecter ses engagements de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Après le climat, l'Etat fait désormais face à un autre recours d'ONG, déposé début septembre, dans un autre domaine emblématique de la qualité de vie sur Terre : le déclin de la biodiversité associé à l'utilisation "immodérée" des pesticides. Notre Affaire à tous et Pollinis veulent faire reconnaître le "manquement" de la France à ses engagements de protection de la nature, notamment en raison des "défaillances" du processus d'autorisation des pesticides qui participent à la destruction de la biodiversité.