Michel Sapin prend ses précautions pour recruter un ancien de la Société générale

Par latribune.fr  |   |  504  mots
Michel Sapin a consulté la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avant de nommer Thierry Aulagnon, ancien de la Société générale, au poste très stratégique de directeur de son cabinet.
Pour éviter tout conflit d'intérêts sur l'affaire Kerviel, le ministre des Finances Michel Sapin a demandé à ses équipes de ne pas parler des sujets relatifs à la Société générale avec son nouveau directeur de cabinet... car ce dernier est un ancien haut dirigeant de la banque.

Le ministre des Finances a pris un luxe de précautions pour recruter à un poste stratégique un ancien haut dirigeant de la Société générale, en raison notamment d'un risque de conflit d'intérêts lié à l'affaire Kerviel, selon des informations obtenues par l'AFP auprès de son cabinet. Démarche inédite, Michel Sapin avait ainsi consulté la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avant de nommer Thierry Aulagnon au poste très stratégique de directeur de cabinet, que ce dernier occupe depuis le 3 août. Le ministre a aussi écrit à ses collaborateurs en leur demandant... de ne pas communiquer avec Thierry Aulagnon lorsqu'ils auront des informations sur les sujets relatifs à la Société générale, selon une lettre dont l'AFP a eu copie.

Déjà directeur de cabinet de Michel Sapin en 1992

Énarque, Thierry Aulagnon avait déjà été de 1992 à 1993 directeur de cabinet de Michel Sapin, alors ministre de l'Économie et des Finances, avant de travailler dans le secteur financier. Ce sexagénaire a ainsi été directeur général de l'assureur Gan puis haut dirigeant à la Société générale, avant de prendre sa retraite en 2015. Or le ministère des Finances pourrait bientôt devoir se confronter au géant bancaire dans le cadre de l'affaire Kerviel. En vertu d'une disposition fiscale réservée aux entreprises victimes de fraude, la banque avait bénéficié d'un bonus d'environ 2,2 milliards d'euros, compensant en partie la perte de 4,9 milliards d'euros imputée en janvier 2008 aux agissements frauduleux de l'ex-trader.

Reconsidéré un crédit d'impôt

Ce bonus pourrait être remis en cause par une décision de la cour d'appel de Versailles, attendue le 23 septembre, et concernant les dommages et intérêts réclamés au civil à Jérôme Kerviel, déjà condamné au pénal. Michel Sapin lui-même a fait savoir que si la justice épinglait à cette occasion des défaillances de la banque, il faudrait peut-être "reconsidérer" ce crédit d'impôt controversé. Dans ces conditions, "afin de prévenir tout risque de conflit d'intérêt ou toute interrogation sur de possibles conflits d'intérêts" de Thierry Aulagnon, le ministre a donc adressé une série de consignes à ses collaborateurs les plus proches. Dans sa lettre datée du 27 juillet, le ministre les invite à "considérer que la direction du cabinet est assurée à compter du 3 août par Thierry Aulagnon sous la réserve suivante."

Des consignes à respecter "strictement"

"Pour l'ensemble des questions [concernant] la Société Générale, Thalès, BPCE et Air-France-KLM et [les] sociétés We share bonds et MAB Finances", autant d'entreprises auxquelles Thierry Aulagnon a été lié d'une manière ou d'une autre, les collaborateurs devront l'ignorer et s'adresser exclusivement à deux autres responsables du cabinet, selon ce courrier. "Je vous remercie d'en tenir compte également dans l'adressage des notes", écrit Michel Sapin, en invitant ses collaborateurs à respecter "strictement" ces consignes.

(Avec AFP)