Paquet neutre : 2 milliards d'euros de recettes fiscales en moins ?

Par latribune.fr  |   |  661  mots
En 2010, le tabac a provoqué la mort de 78.000 personnes en France par an, d'après une étude réalisée par l'Institut Gustave Roussy et l'Inserm publiée en 2015 dans la revue spécialisée The European Journal of Public Health. Auparavant, l'estimation du nombre de morts dues au tabac en France était de 73 000 par an.
Si le projet de loi sur le paquet neutre a déjà été adopté par les députés le 3 avril, il doit être examiné ce mercredi par la Commission des Affaires sociales du Sénat. Une étude -commandée par Japan Tabac International, le troisième acteur de l'industrie du tabac- à un cabinet de conseil français révèle que la mise en place de cette mesure pourrait représenter un manque à gagner de deux milliards d'euros par an.

Voilà une étude qui risque de donner un argument supplémentaire aux adversaires du paquet neutre en France.

Alors que les buralistes de l'Hexagone s'opposent à la mise en place de cette mesure en mai 2016, une étude commandée par Japan Tabacco International, numéro 3 mondial de l'industrie du tabac, démontre qu'elle pourrait faire perdre à court terme deux milliards d'euros par an de recettes fiscales à l'Etat français.

 Une manne de 14 milliards d'euros par an

"Sur les 14 milliards d'euros annuels que représente la fiscalité du tabac, le manque à gagner pour le budget de la France serait de 2,015 milliards d'euros. Cette perte de recette fiscale serait la conséquence directe du profond bouleversement du marché du tabac que provoquerait en France l'impossibilité pour les marques de se différencier", souligne l'étude commandée par Japan Tobacco International (Camel, Winston) au cabinet de conseil français MAPP.

Selon le niveau de dégradation de l'image de marque qui résulterait de la mise en place du paquet neutre, les pertes de recettes fiscales seraient ainsi comprises entre 413 millions et 3,474 milliards d'euros par an, estime MAPP, le cabinet de conseil en économie, spécialisé dans les questions de concurrence.

Les trois quarts de ce manque à gagner proviendraient d'un report de la consommation vers des produits non taxés en France, à savoir des cigarettes d'importation légale, ou de contrebande, ou encore de contrefaçon. Et c'est principalement ce que craignent les buralistes : une hausse du marché parallèle entraînant une augmentation du nombre de fermetures de bureaux de tabac.

Report sur les cigarettes les moins chères

L'étude explique que le reste du manque à gagner fiscal proviendrait d'un "report significatif d'une partie de la consommation vers les cigarettes les moins chères au détriment des produits les plus chers en raison du manque de différenciation entre produits", mais aussi de la diminution du montant proportionnel des taxes en raison d'une baisse des prix.

MAPP estime ainsi que la part de marché des cigarettes les moins onéreuses passerait de 39% à 45% et celle des plus chères de 40% à 30%. Pour rappel, le paquet neutre ne comportera pas de logo ni de typographie permettant aux marques de se distinguer de leurs concurrents.

Ce scénario se base sur les données de Logista, fournisseur de la quasi-totalité des buralistes français, entre 2012 et 2014, et celles d'Ipsos pour mesurer les images des marques. Il s'appuie également sur l'expérience australienne, où le paquet neutre a été instauré en 2012. Il suppose que le nombre global de fumeurs restera inchangé et ne tient pas compte d'économies éventuelles en matière de santé publique.

En France, une jeune de 17 ans sur trois est fumeur

En Europe, après l'Irlande où la mesure sera pleinement effective en 2017, le parlement britannique a donné en mars son feu vert à l'introduction du paquet neutre en 2016. La Hongrie prévoit également de le mettre en œuvre l'an prochain. Ailleurs dans le monde, l'Uruguay a été le premier pays à exiger en 2010 que 80% de la surface des paquets soit consacrée aux avertissements sanitaires.

L'adoption du paquet neutre laisse cependant les Français dubitatifs. La majorité d'entre se disent sceptiques (74%) sur l'efficacité du paquet neutre et ils sont encore plus (83%) à penser qu'il facilitera la production de cigarettes contrefaites, arguent les buralistes, s'appuyant sur un sondage Harris Interactive réalisé pour leur confédération en juin. En avril, un sondage Odoxa FTI Consulting pour "Les Echos" et Radio Classique, révélait que 73% des Français estiment que le paquet neutre est un outil "inefficace" pour lutter contre le tabagisme.

En 2006, l'étude de Kopp et Fénoglio pour l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies avait évalué en 2006 à 47,7 milliards d'euros le coût social total du tabagisme en France. Selon des données fournies par le Ministère de la Santé, 29% des 15-24 ans fument en Europe. Dans l'Hexagone, un jeune de 17 ans sur trois est un fumeur régulier.