Salon de l'agriculture : journée mouvementée pour Emmanuel Macron

Par latribune.fr  |   |  953  mots
Emmanuel Macron au 60eme salon de l'Agriculture (Crédits : Reuters)
Emmanuel Macron a passé un samedi très chahuté au Salon de l'Agriculture. Pris à partie par des paysans en colère, le chef de l'Etat a dû affronter le malaise du monde rural. Et fait plusieurs annonces comme l'instauration d'un prix plancher pour les produits agricoles, ou encore un plan de trésorerie d'urgence.

Emmanuel Macron a finalement réussi à déambuler, ce samedi après-midi, dans les allées du 60eme salon de l'Agriculture, entouré des ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher. Mais non sans être encadré par un important dispositif de sécurité.

Et pour cause, sifflé, et hué dès son arrivée à la Porte de Versailles, à Paris, par les paysans en colère, scandant « Macron démission », « On est chez nous ! », le chef de l'Etat n'a pu circuler dans les stands des exposants, comme le prévoyait le programme initial.

Ces nombreuses échauffourées et heurts entre manifestants et CRS n'ont eu de cesse de retarder l'inauguration de l'événement de plusieurs heures. Ainsi, le président de la République a-t-il coupé le ruban tricolore à 13h30, alors que l'horaire prévu était à 9h du matin. Jamais une inauguration du Salon par un chef de l'Etat n'était intervenue aussi tardivement, avec le hall principal, celui des animaux, fermé au public à l'ouverture.

Appels au calme

Dans cette atmosphère d'extrême tension, Emmanuel Macron a, à plusieurs reprises, appelé au calme : « On ne répondra pas en quelques heures à cette crise agricole. Il faut que le Salon se passe bien », et de tenter de défendre sa politique : « Depuis le premier jour, je suis aux côtés de nos agriculteurs. »  Mais, pendant plusieurs heures, de façon intermittente, des agriculteurs excédés ont poussé violemment les forces de l'ordre qui elles-mêmes les repoussaient vivement, au milieu d'animaux en panique. Débordés, CRS et gendarmes mobiles ont dû affronter des manifestants à l'intérieur même du bâtiment, donnant l'image d'un immense chaos.

Débat improvisé

La veille la proposition du président de la République de tenir un grand débat avait fait "pchiit".  Les syndicats agricoles conviés avaient annulé en cascade leur venue. Dans le Hall 1 du salon de la Porte de Versailles, Emmanuel Macron a toutefois improvisé un échange à brûle-pourpoint, avec quelqu'un de leurs représentants.

En bras de chemise, usant fréquemment du tutoiement, le chef de l'Etat a tenté de répondre, pendant deux heures durant, aux revendications et à la détresse des paysans.  Pêle-mêle, tous les sujets ont été passés en revue, du revenu minimum, de la transmission des fermes, en passant par les obligations et normes, aux suicides des paysans. « Aujourd'hui, je travaille 100 heures par semaine, mais je vis grâce à ma femme », a ainsi interpellé un éleveur, la voix tremblante, confiant qu'il avait lui aussi pensé à en finir, cet été.

Prix plancher, plan de trésorerie d'urgence...

Le chef de l'Etat a sans relâche tenté de défendre l'action de son gouvernement à l'égard du monde rural : mobilisation de son Premier ministre et des préfets, suppression des taxes sur le GNR ( gazole non routier) pour les agriculteurs, simplification des normes  - reconnaissant à plusieurs reprises que « c'était extrêmement compliqué mais qu'ils le feraient »... Il s'est aussi positionné comme le défenseur de l'Europe, qui chaque année permet à l'hexagone de bénéficier de 10 milliards d'euros de subventions pour le secteur.

Mais la principale annonce de ce jour est, sans conteste, l'intention du chef de l'Etat de mettre en place un prix plancher « filière par filière ». « Il y aura un prix minimum, un prix plancher, en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et le distributeur ne peut pas vendre », a ainsi promis Emmanuel Macron, quitte à aller à l'encontre des déclarations de son ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, qui ces derniers jours avait écarté cette option.

Et de s'engager également à soutenir les exploitants les plus en difficultés, en répertoriant rapidement ceux qui sont le plus dans le besoin. Objectif : construire un « plan de trésorerie d'urgence » dès cette semaine, pour les aider à obtenir le soutien des banques. Le président de la République a par ailleurs annoncé que le projet de loi d'orientation agricole, repoussé à plusieurs reprises, sera finalement présenté en conseil des ministres le 20 mars prochain.

Défense de la "ferme France" face au RN

Tout au long de la journée, Emmanuel Macron a tenu à se montrer positif, refusant qu'un portrait catastrophiste de notre agriculture soit présenté  : « La ferme France, elle reste forte, elle produit , c'est faux de dire qu'elle est en train de se casser la gueule ».

A plusieurs reprises, Emmanuel Macron a fustigé ceux qui diffusent un discours décliniste. Et de cibler au premier chef, le Rassemblement national. « L'agriculture française mérite mieux que leur projet de décroissance et de bêtise qui consiste à expliquer aux gens que la solution, ce serait de sortir de l'Europe », a-t-il lancé. « Le Rassemblement national, c'est le parti du Frexit, de la sortie de l'euro. (...) Je vais vous dire : s'il n'y a pas d'Europe, il n'y a pas d'agriculture », a-t-il martelé, à la veille de la venue de Jordan Bardella.

« Sincèrement, il y a encore des gens qui croient à ce grossier mensonge ? », a répliqué pue de temps après, sur son compte X, la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen.

Alors que la nuit commençait à tomber sur le Salon, Emmanuel Macron continuait de passer de stand en stand, serrant les mains des visiteurs et des exposants, s'arrêtant pour goûter des spécialités régionales, et admirer les vaches et autres animaux. Et de donner rendez-vous, dans trois semaines,  aux acteurs du monde agricole à l'occasion de rencontres  : "Je réunirai à l'Élysée l'ensemble des organisations syndicales et filières à l'Elysée." a-t-il promis. En espérant que d'ici là, le calme revienne dans la ferme France et dans les campagnes.