Accueillir les JO n'est pas un cadeau !

Par Mathias Thépot  |   |  653  mots
La course à l'obtention des Jeux olympiques s'accompagne toujours de promesses mirobolantes de la part des villes candidates, qui sous-estiment les coûts d'organisation.

Une douce euphorie semble traverser Paris après l'annonce de sa candidature pour les Jeux olympiques (JO) de 2024. L'idée d'accueillir un tel événement, qui attire l'attention du monde entier comme aucun autre, peut faire rêver. La perspective de vivre des émotions sportives intenses durant deux semaines poussera certainement les plus grands férus de sports à soutenir Paris dans cette démarche. Dont acte.

Mais l'engouement autour de la candidature de la capitale doit nécessairement être tempéré à la lumière de l'histoire. Car, à l'enthousiasme du dépôt d'une candidature olympique succède souvent le désarroi, une fois l'événement achevé. Nombre de villes ont connu de grandes difficultés financières après avoir accueilli les JO.

Les gouffres des exemples passés

Deux exemples ont notamment marqué les esprits : Montréal en 1976, où les contribuables ont découvert dès la clôture des Jeux qu'ils auraient à payer pendant trente ans des taxes locales spéciales afin de couvrir le déficit engendré par le financement des JO. Et Athènes en 2004, point culminant des errements d'une caste dirigeante déconnectée de la réalité de son peuple.

« La ville d'Athènes n'a cessé d'augmenter ses emprunts publics pendant la préparation des Jeux, l'accueil des JO étant partiellement à l'origine de la dette publique grecque actuelle », explique dans une étude l'économiste Wladimir Andreff, professeur à l'université de Paris I.

Une grande partie des installations sportives destinées aux JO d'Athènes ont même été laissées à l'abandon.

En fait, la quasi-totalité des comités d'organisation des JO a opté pour une fuite en avant. Les travaux de Waldimir Andreff démontrent que le coût des jeux croît au fur et à mesure que l'événement sportif approche. Les coûts initiaux annoncés ont été largement dépassés, de plus de 30% « à Montréal en 1976, Séoul en 1988, Calgary en 1988, Barcelone en 1992, Athènes en 2004, Turin en 2006, Pékin en 2008, Londres en 2012 et Sotchi en 2014 », détaille l'économiste. Et si les coûts sont en général sous-estimés, ce n'est en rien parce que le CIO, qui attribue les Jeux, le demande : Rio pour 2016 et Londres pour 2012 présentaient des projets dont les coûts annoncés étaient deux fois supérieurs à ceux de leurs adversaires, et ils l'ont emporté.

Éblouir le CIO tout en plaisant aux Franciliens

Pour obtenir les Jeux, il faut en fait élaborer un projet qui éblouisse les membres décideurs du CIO. Or, politiquement, les villes ne peuvent se permettre d'afficher des coûts d'organisation trop importants, ne serait-ce que vis-à-vis de leurs administrés. « Un critère de coût minimal entre, jusqu'à un certain point, en conflit avec la maximisation de la qualité mirifique des Jeux », confirme Wladimir Andreff.

Paris ne pourra pas déroger à cette règle, même si le coût global des Jeux devrait être limité, car beaucoup d'infrastructures sont déjà construites (Stade de France, vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, Roland-Garros, etc.). Reste à savoir si le projet plaira aux Franciliens. Un sujet majeur.

En effet, à Chicago en vue des JO de 2016, ou à Munich, pour ceux de 2022, les habitants ont réussi à faire retirer la candidature de leur ville. De même pour Boston, dont les citoyens ont forcé le maire à jeter l'éponge pour les jeux de l'été 2024, renforçant du coup les chances de Paris... Pour l'instant, les Franciliens n'ont pas été sondés par les pouvoirs publics. Pas sûr que ces derniers prennent ce risque...

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Pour en débattre, Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale ;  Pascal Chabot, membre du Directoire, Caisse d'Epargne et Christian Saint-Etienne, économiste.