Angoissée par les coupures de gaz russe, l'Allemagne va recourir davantage aux centrales à charbon

Par latribune.fr  |   |  1118  mots
(Crédits : Mike Hutchings)
Alors que l'énergéticien russe Gazprom a baissé cette semaine les livraisons via le gazoduc Nord Stream de 40%, puis de 33%, le gouvernement allemand a annoncé ce dimanche qu'il allait prendre des mesures d'urgence pour sécuriser son approvisionnement, notamment en ayant davantage recours au charbon.

L'Allemagne n'en a pas fini de payer la décision d'Angela Merkel en 2011 d'arrêter le nucléaire. Alors que l'énergéticien russe Gazprom a baissé cette semaine les livraisons via le gazoduc Nord Stream de 40%, puis de 33%, le gouvernement allemand a annoncé ce dimanche qu'il allait prendre des mesures d'urgence pour sécuriser son approvisionnement, notamment en ayant davantage recours au charbon. Pour rappel, même si elle a réussi à diminuer son exposition au gaz russe, l'Allemagne continue d'importer près de 35% de son gaz depuis la Russie (contre 55% avant la guerre).

La coalition avait promis de sortir du charbon en 2030

"Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l'électricité. A la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées", a déclaré le ministère de l'Economie dans un communiqué. Un revirement pour ce gouvernement de coalition, faisant la part belle aux Verts, et qui avait promis d'anticiper la sortie du charbon d'ici à 2030.

"C'est amer, mais c'est indispensable pour réduire la consommation de gaz", a réagi le ministre écologiste de l'Economie Robert Habeck,

Le paquet de mesures annoncé dimanche prévoit également un système "d'enchère" pour la vente de gaz aux industriels, permettant, selon le gouvernement, de faire baisser la consommation du puissant secteur manufacturier allemand.

Robert Habeck s'est voulu rassurant. "La sécurité de l'approvisionnement est garantie", mais "la situation est sérieuse", a-t-il dit.

Stockage

Par ailleurs, l'Allemagne va fournir des lignes de crédit supplémentaires de 15 milliards d'euros pour l'achat de gaz afin de reconstituer ses stocks, rapporte l'agence de presse DPA dimanche, citant un document du ministre de l'Economie. Ces lignes de crédit additionnelles permettront à l'opérateur allemand, Trading Hub Europe (THE), d'accélérer le stockage et d'aider l'Allemagne à faire face à l'hiver en cas d'interruption des livraisons russes sur fond de conflit en Ukraine. Contacté par Reuters, le ministère a confirmé les informations de DPA. L'agence précise pour sa part que l'origine du gaz qui sera stocké n'a pas été communiquée.

Baisse des livraisons de gaz russe

Au quatrième mois de la guerre en Ukraine, Moscou appuie là où cela fait mal et joue de la vulnérabilité énergétique des Européens, dont 40% du gaz brûlé vient habituellement de Russie. Après la réduction des livraisons de gaz observée cette semaine, le robinet russe est fermé en Pologne, Bulgarie et Finlande, et son débit fortement est réduit vers l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, tandis que plus aucun mètre cube n'arrive en France. Les conséquences sont plus graves pour les voisins de la France, et pas seulement l'Allemagne : l'Italie dépend à 40% de la Russie et elle ne recevra vendredi que 50% du gaz russe demandé par sa compagnie nationale Eni.

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Les Européens ont dénoncé un chantage au gaz de Vladimir Poutine, alors que le continent veut profiter de l'été pour remplir ses stocks. Le gaz ne manque pas pour l'instant pour la plupart des Européens, en période estivale, car il n'y a pas besoin de chauffer les bâtiments. Mais les réductions interviennent alors que les pays doivent profiter de l'été pour remplir leurs réserves, avec un objectif d'au moins 80% d'ici novembre dans l'Union européenne.

Hausse des prix

La France et l'Allemagne, parmi d'autres, veulent éviter la panique et rassurer leurs citoyens: les stocks des deux pays augmentent et en sont à 56%. L'UE est en moyenne à 52%, selon Gas Infrastructure Europe, ce qui est mieux que l'an dernier à la même époque, mais en-dessous des deux années précédentes.

La baisse des livraisons fait quoi qu'il en soit monter les prix, ce qui coûtera cher aux industriels, notamment en Allemagne. Le cours de référence du gaz naturel en Europe, le TTF néerlandais, a bondi à près de 130 euros le mégawattheure (MWh) vendredi, contre environ 100 euros mercredi... et autour de 30 euros il y a un an. La France comptait sur la Russie pour environ 17% de son gaz, qui peut arriver par gazoduc (la grande majorité) ou sous forme liquide par navires méthaniers. Les flux par ce gazoduc avaient déjà été considérablement réduits mais ils sont désormais tombés à zéro.

"Nous avons les moyens d'assurer nos besoins en gaz grâce aux livraisons de gaz que nous recevons depuis d'autres pays, nos terminaux GNL et nos stocks constitués", dit cependant à l'AFP la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

 Officiellement, Gazprom a prétexté des raisons techniques sur un équipement de Nord Stream 1 mais les dirigeants européens n'y croient pas.

Pour remplir ses réserves souterraines, l'Europe cherche donc tous azimuts des sources de gaz non russes, par gazoduc mais surtout sous forme liquide, avec le gaz naturel liquéfié (GNL). La France est riche de quatre terminaux qui servent à recevoir le GNL arrivant par les navires méthaniers et envisage d'en installer d'autres.

Elle a déjà fortement augmenté ses achats de GNL depuis le début de la guerre et ses terminaux sont proches de leur maximum technique, selon GRTgaz. Au point que la France est devenue le plus gros acheteur de GNL russe dans le monde, selon le Centre for Research on Energy and Clean Air.

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France : hostile au nucléaire un fournisseur achète de l'électricité issue du nucléaire

Le fournisseur d'électricité renouvelable Enercoop s'est résolu samedi à avoir recours temporairement à de l'électricité à bas prix fournie par l'opérateur EDF et donc issue du nucléaire, afin d'assurer sa survie, face à la flambée des prix de l'électricité, aggravée par la guerre en Ukraine. Les sociétaires du fournisseur, réunis samedi en assemblée générale, ont voté à 88% pour un recours temporaire (2023-2025) à l'Arenh ("accès régulé à l'électricité nucléaire historique"), un mécanisme qui permet la mise à disposition par l'opérateur historique EDF d'électricité bon marché à prix fixe, à ses concurrents.

Dans ce cadre, elle est vendue 42 euros le MWh, un prix extrêmement bas, comparé aux plus de 300 euros auxquels il s'est négocié ces dernières semaines, en raison d'abord de la crise économique, puis de la guerre entre la Russie et l'Ukraine.

Fondamentalement opposé au nucléaire, Enercoop se présentait comme le seul fournisseur alternatif refusant de bénéficier de l'Arenh.

(AFP)