Berlin menace de ne pas autoriser le fonctionnement du gazoduc Nord Stream 2 pour dissuader Moscou d'envahir l'Ukraine

Par latribune.fr  |   |  720  mots
La menace de sanctions sans précédent a été formulée ces derniers jours par Washington. (Crédits : HANNIBAL HANSCHKE)
Le nouveau gazoduc germano-russe risque de ne pas être autorisé à fonctionner en cas de nouvelle "escalade" en Ukraine, a indiqué dimanche soir la cheffe de la diplomatie allemande. Cette menace s'ajoute à celles du G7 qui avertit Moscou du risque de sanctions en cas d'agression militaire contre l'Ukraine. Ce pipeline d’approvisionnement qui tient tant à cœur à Poutine est déjà très critiqué par nombre de pays qui s'inquiètent d'une trop grande dépendance de l'Europe à l'égard de la Russie.

Le ton monte entre les pays du G7 et la Russie. Alors que l'Europe et les Etats-Unis notamment craignent une invasion de l'Ukraine par Moscou, le G7 multiplie les avertissements envers le Kremlin et menace de ne pas autoriser la mise en marche du nouveau gazoduc germano-russe Nord Stream II. Ce gazoduc de 1.230 kilomètres, construit par le géant Gazprom, et qui relie la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique, est un enjeu énorme pour la Russie dont l'État est l'actionnaire majoritaire. Même si le gazoduc n'est pas encore en fonctionnement, en l'attente d'une certification côté allemand, il peut constituer un levier pour dissuader Moscou d'envahir l'Ukraine. Une menace agitée par Washington, qui a toujours été hostile à ce projet menaçant de priver l'Ukraine d'une partie des revenus perçus sur le transit. Récemment, William Taylor, vice-président du cercle de réflexion United States Institute of Peace, confiait à l'AFP que  "Nord Stream II était une option sérieuse", "l'une des mesures les plus importantes" à l'étude, car elle permettrait à l'administration Biden d'afficher une très grande fermeté sans aller jusqu'à provoquer un séisme économique.

Menace d'arrêt

En raison de la situation sécuritaire tendue, "il a été convenu entre les Américains et l'ancien gouvernement allemand" d'Angela Merkel "qu'en cas de nouvelle escalade ce gazoduc ne pourrait entrer en service", a déclaré la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock sur la chaîne ZDF. La ministre des Affaires étrangères, qui a participé au cours du week-end à une réunion du G7 consacrée notamment aux tensions avec la Russie et s'entretiendra lundi avec ses partenaires européens du sujet, a ainsi précisé les menaces - le plus souvent voilées - lancées au sujet de Nord Stream II par le chancelier allemand Olaf Scholz.

"Ce serait une grave erreur de croire que violer les frontières d'un pays européen resterait sans conséquences", a-t-il encore déclaré dimanche soir lors d'une visite en Pologne.

Annalena Baerbock a rappelé que de toute façon "ne peut pour le moment être autorisé car il ne remplit pas les règles de la législation européenne de l'énergie". Mi-novembre déjà, l'autorité allemande de régulation de l'énergie avait suspendu la procédure de certification de Nord Stream II - dont la construction est terminée - en demandant au consortium basé en Suisse, et chargé de son exploitation, de créer une société de droit allemand.

Risque de dépendance

Ce gazoduc, ardemment soutenu par le chef de l'Etat russe Vladimir Poutine mais aussi  par Angela Merkel au nom des garanties d'approvisionnement en gaz pour l'Europe, est très critiqué par nombre de pays. Les Etats-Unis et plusieurs pays d'Europe de l'Est, à commencer par la Pologne, s'inquiètent d'une trop grande dépendance de l'Europe à l'égard de la Russie. Par ailleurs l'Ukraine -jusqu'ici l'un des grands pays de transit du gaz russe vers l'Europe - redoute de faire les frais de ce projet qui la contourne et d'en être économiquement et diplomatiquement affaiblie.

Dans l'immédiat, la cheffe de la diplomatie allemande a appelé à se concentrer sur les efforts diplomatiques pour apaiser les tensions entre l'Ukraine et la Russie. "Nous sommes dans une phase en ce moment où nous voulons tout mettre en œuvre pour que des discussions reprennent, car le dialogue est le meilleur moyen d'éviter une escalade", a-t-elle dit.

De son côté, le gouvernement américain a annoncé qu'il dépêchait sa secrétaire d'Etat adjointe chargée de l'Europe, Karen Donfried, en Ukraine et Russie de lundi à mercredi, en quête de "progrès diplomatiques pour mettre fin au conflit dans le Donbass", dans l'est de l'Ukraine, "en mettant en œuvre les accords de Minsk".

Ces accords conclus en 2015 pour mettre fin à la guerre qui a éclaté un an plus tôt dans cette région ukrainienne entre les forces de Kiev et des séparatistes pro-russes n'ont jamais été vraiment respectés. Si la Russie "décide de ne pas emprunter cette voie" diplomatique, "il y aura des conséquences massives et un prix important à payer, et le G7 est absolument uni là-dessus", avait déjà prévenu la responsable américaine.

(Avec AFP)