« La livre sterling est en danger » : la vive inquiétude d'un analyste financier à l'égard du Royaume-Uni

Par latribune.fr  |   |  629  mots
La livre a perdu 7% en 10 jours (Crédits : © Phil Noble / Reuters)
Après l'annonce vendredi du plan de coûteux plan de soutien du gouvernement de Liz Truss à l'économie, la devise britannique a atteint son plus bas par rapport au dollar. Pour George Saravelos, analyste à la Deutsche Bank, cette chute est d'autant plus inquiétante que les taux d'emprunt de la dette britannique augmentent, ce qui « est très rare dans une économie développée », fait-il remarquer. De son côté, l'ancien secrétaire américain au Trésor, Larry Summers, estime que la livre peut atteindre la parité avec le dollar. Selon lui, « le Royaume-Uni restera dans l'Histoire comme une des pires gestions macroéconomiques d'un grand pays depuis longtemps »

Article mis à jour lundi à 6h50

« La livre sterling est en danger ». George Saravelos, analyste à la Deutsche Bank, n'a pas caché son inquiétude vendredi à l'égard de la monnaie britannique. Et pour cause, en passant sous le seuil symbolique de 1.10 dollar la monnaie britannique avait plongé de plus de 7% en 10 jours, un mouvement d'une ampleur très rare sur le marché des changes. Ce lundi 26 septembre, le plongeon continue en atteignant le plancher record face au dollar, à 1,0350 dollar vers 01H25 GMT contre 1,0859 dollar vendredi à 21H00 GMT, selon des données de Bloomberg, des analystes avertissant qu'elle pourrait même atteindre la parité avec le billet vert. Le record de 1985 (1,0520 dollar) est donc dépassé. Une dégringolade qui s'explique par les annonces budgétaires de Londres jugées inquiétantes par les investisseurs pour la santé des finances publiques, alors que le pays est en récession selon la Banque d'Angleterre. Depuis le début de l'année, la livre a perdu près de 20% de sa valeur face au dollar.

Les taux des « gilts » augmentent

Une chute d'autant plus inquiétante à ses yeux que les taux d'emprunt de la dette britannique augmentent. Ce qui « est très rare dans une économie développée », a-t-il précisé. Vendredi, quelques instants après l'annonce du gouvernement de Liz Truss d'un plan de soutien de l'économie extrêmement coûteux (plus de 100 milliards de livres), le taux d'emprunt à dix ans du Royaume-Uni est en effet passé au-dessus de 3,8%, un niveau jamais observé depuis 2011. Plus précisément, le taux des « gilts » (obligations d'État britanniques) à dix ans est monté à 3,84% en cours de séance. Début septembre, le rendement était de seulement 2,8%, et avait fini 2021 à moins de 1%.

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La dette sur une « trajectoire insoutenable »

Une envolée qui traduit les doutes sur la capacité de Londres à financer ces mesures. Le mélange de baisses d'impôts et d'aides massives, qui vont contraindre le Royaume-Uni à emprunter 72 milliards de livres supplémentaires sur les marchés, fait craindre le pire pour les finances publiques. Selon l'Institut des études budgétaires (IFS) le plan Truss risque de mettre la dette sur une « trajectoire insoutenable ». Une perspective qui risque d'effrayer les investisseurs.

« C'est très dommageable pour la réputation du Royaume-Uni en tant que nation responsable d'un point de vue budgétaire », a fustigé l'ex-membre de la Banque d'Angleterre Andrew Sentence.

Même son de cloche pour George Saravelos, de la Deursche Bank : « Nous nous inquiétons de voir la confiance des investisseurs dans le Royaume-Uni s'éroder rapidement ».

Vers la parité livre-dollar ?

L'ancien secrétaire américain au Trésor, Larry Summers, n'y est pas allé avec le dos d'une cuillère. « Entre le Brexit, le retard de la Banque d'Angleterre pour remonter ses taux et maintenant la politique budgétaire, je pense que le Royaume-Uni restera dans l'Histoire comme une des pires gestions macroéconomiques d'un grand pays depuis longtemps », a-t-il déclaré. Selon lui, la livre peut atteindre la parité avec le dollar. Plusieurs analystes partagent la prévision.

La situation est telle que les cambistes évoquent désormais l'hypothèse d'une réunion d'urgence de la Banque d'Angleterre, avec à la clef une hausse de taux anticipée, citée par Erik Nelson, de Wells Fargo, alors qu'ils ont été relevés de 0,5 point cette semaine, à 2,25%

« Cela enverrait le mauvais message aux marchés », met en garde Christopher Vecchio, de DailyFX, car ces réunions non prévues « signifient que la situation est très tendue, dramatique.»

Si elle a été particulièrement malmenée, la livre sterling n'a pas été la seule à souffrir vendredi. L'euro est tombé à un nouveau plancher depuis 20 ans, à 0,9681 dollar pour un euro.