Macron-Trump : un duo d'acrobates entre "apartés complices" et divergences constructives

Par latribune.fr  |   |  1115  mots
Mardi, Donald Trump recevait Emmanuel Macron dans le Bureau ovale. Avant la conférence de presse commune, le président américain n'a pas manqué d'attention à l'égard de son allié, en époussetant les pellicules se trouvant sur son costume. (Crédits : Reuters)
Au deuxième jour de sa visite d'État, mardi 24 avril, Emmanuel Macron et son homologue américain ont discuté de l'Iran, de la Syrie, du commerce mondial. Un moment-clé où sont apparues de nombreuses divergences. Et encore, Trump a refusé de parler climat. Ce mercredi, le chef de l'État français conclut ce voyage de trois jours par un autre grand moment : le discours devant le Congrès américain.

Après de chaleureuses retrouvailles largement commentées dans les médias et un dîner entre couples lundi, Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump ont testé leur amitié mardi, au deuxième jour, en discutant des sujets qui les divisent, en tête l'accord sur le nucléaire iranien et la guerre commerciale.

Alors que le chef de l'État français s'apprête à terminer son voyage officiel avec un discours devant le Congrès américain, exercice auquel se sont livrés tous les présidents de la Ve République, à l'exception de François Hollande, certains observateurs notent déjà que ce voyage officiel n'a pas abouti à de changements significatifs sur le fond. Mais à l'Élysée, on insiste : cette visite d'État n'a pas vocation à "engranger des accords", mais à passer des messages. Dont acte.

De fait, on le constatera au cours de cette journée, les deux présidents vont exprimer leurs différences sur le mode de la critique constructive, et en même temps, manifester leur désir de continuer à travailler ensemble. Un duel à fleurets mouchetés, en somme.

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Vers un nouvel accord avec l'Iran, Hassan Rohani réagit

Le moment-clé, probablement le plus officiel des deux premiers jours, a eu lieu mardi matin, lors du tête-à-tête (une demi-heure) dans le Bureau ovale où les deux chefs d'État ont parlé "des dossiers qui fâchent". Sur la table notamment, l'accord sur le nucléaire iranien. Emmanuel Macron et son homologue américain ont appelé à un nouvel accord pour contenir les ambitions de Téhéran, peu après que Donald Trump a qualifié le texte actuel sur le nucléaire de "désastre". "Nous n'avons pas les mêmes positions de départ sur ce point" et "nous avons eu une discussion très approfondie sur le sujet" de cet accord signé en 2015 visant à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire.

"Depuis plusieurs mois, je dis que ce n'est pas un accord suffisant, mais qu'il nous permet en tout cas d'avoir jusqu'en 2025 un contrôle sur les activités nucléaires" de l'Iran (...) "[La voie d'un nouvel accord] est la seule qui permette la stabilité. La France n'a aucune naïveté à l'égard de l'Iran", a dit Emmanuel Macron.

Le président américain a, de son côté, réclamé un nouvel accord avec des fondations "solides".

"C'est un accord aux fondations pourries, c'est un mauvais accord, une mauvaise structure", a affirmé le dirigeant américain.

Action, réaction. En direct à la télévision publique iranienne ce mercredi, Hassan Rohani, le président iranien, a traité par le mépris ces discussions franco-américaines de la veille, qualifiant le chef de la Maison blanche de "commerçant", incapable de négocier des traités internationaux.

"Ils disent, avec un certain dirigeant d'un pays européen, qu'ils veulent prendre une décision sur un accord conclu à sept (...) Pour quoi faire ? De quel droit ?" s'interroge-t-il.

Au point mort : l'exemption des taxes douanières pour l'UE et l'accord de Paris sur le climat

Le président américain a entretenu le flou sur la question de l'exemption des taxes douanières sur l'acier et l'aluminium pour les pays de l'Union européenne qui arrive à échéance le 1er mai. Emmanuel Macron "lui a expliqué qu'il fallait que les États-Unis rendent permanente cette exemption, je pense qu'il y a eu un échange qui allait dans le bon sens", a-t-on souligné dans l'entourage du chef de l'État français, sans pour autant avoir l'assurance d'une issue favorable la semaine prochaine.

Dimanche, sur la chaîne américaine Fox News, la veille de sa visite à Washington, Emmanuel Macron a fait valoir "qu'on ne fait pas de guerre commerciale avec ses alliés". "Où sont vos priorités ? Si vous menez une guerre commerciale contre la Chine, contre l'Europe, une guerre contre la Syrie, contre l'Iran... ça ne peut pas marcher. Vous avez besoin d'alliés. Nous sommes les alliés", a-t-il ajouté.

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Quant à la question du climat, et de la sortie possible des États-Unis de l'accord de Paris, elle n'a tout simplement pas été mentionnée par Donald Trump lors de la conférence de presse et a été seulement évoquée par Emmanuel Macron, qui a estimé que les désaccords étaient le lot "de toutes les amitiés".

"Construire une solution politique durable" en Syrie

Seul sujet sur lequel le président américain a semblé véritablement tempérer sa position, la Syrie. Après avoir souhaité fin mars un départ rapide des soldats américains du pays, Donald Trump a écarté tout départ immédiat, pointant le risque de donner, en partant, la "carte blanche" à l'Iran. Les deux pays ont ainsi annoncé qu'ils continueraient à travailler ensemble après les récentes frappes militaires conjointes. L'objectif : trouver "une solution politique durable inclusive sur ce sujet".

"Nous voulons réduire à néant le groupe État islamique. Nous allons devoir construire la paix et nous assurer que les Syriens puissent vivre dans la paix. C'est le travail diplomatique nous avons entamé mais que nous devons terminer", a ajouté le président français.

Point d'orgue de cette journée, le somptueux dîner d'État ("state dinner") à la Maison blanche qui a rassemblé quelque 150 invités.

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Une visite qui se terminera avec un discours devant le Congrès

Ce mercredi, Emmanuel Macron s'exprimera devant le Congrès américain avant un "échange libre" avec des étudiants. Tous les chefs d'État de la Ve République se sont livrés à cet exercice, à l'exception de François Hollande. Le général De Gaulle d'abord, accueilli triomphalement à Washington en 1960.

Sur fond de guerre froide entre l'Est et l'Ouest, le général y avait dénoncé l'impérialisme américain tout en rendant hommage à l'histoire commune des deux puissances. On retiendra de la prestation de Valéry Giscard d'Estaing en 1976 l'accent anglais approximatif et son plaidoyer en faveur de la société libérale, de celle de François Mitterrand, devant une chambre américaine conservatrice, son discours en faveur de la reprise des discussions avec l'Union soviétique, de celle de Jacques Chirac son engagement en faveur de l'aide au développement des pays africains, et de celle de Nicolas Sarkozy, sa déclaration d'amour "main sur le cœur" à l'Amérique.

Lire aussi : Au Congrès américain, Macron veut "réinventer le monde libre" avec Trump

(Avec AFP et Reuters)