Putsch au Niger : l'uranium, une ressource au coeur des revendications de la junte

Par latribune.fr  |   |  736  mots
Orano (ex-Areva) y exploite encore une mine d'uranium dans le nord du Niger. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
Après le coup d'Etat au Niger, la question de la dépendance de la France à l'uranium, essentiel à la production nucléaire, se pose. Le groupe français Orano (ex-Areva) a néanmoins assuré lundi que « la crise actuelle n'a aucune incidence de court terme sur les capacités de livraison ».

Au coeur du putsch militaire qui a eu lieu mercredi dernier au Niger, évinçant le président élu Bazoum, se trouve la question des ressources du pays, et en particulier celle de l'uranium. Soutenus par une partie de la population, les militaires putschistes proches de la milice russe Wagner, entendent en effet supprimer ce qu'ils considèrent être une main-mise néo-coloniale de la France sur Niamey. En réalité, sur le plan économique, peu d'entreprises françaises sont présentes au Niger. Mais un groupe industriel cristallise les tensions, avec la présence d'Orano (ex-Areva) qui y exploite encore une mine d'uranium dans le nord.

Le Niger fait en effet partie des principaux producteurs d'uranium. En 2021, le pays pesait 4,7% de la production mondiale naturel loin derrière le Kazakhstan (45,2%), selon l'agence d'approvisionnement d'Euratom (ESA). Cela fait plus de dix ans que le Niger annonce progressivement vouloir reprendre son destin en main sur le plan économique, grâce aux nouvelles ressources minières et pétrolières.

Dans le même temps, le Niger fait partie des pays les plus pauvres de la planète. Il est aussi miné par les attaques de groupes liés à l'Etat islamique et à Al-Qaïda.

En 2022, « le Niger était le deuxième fournisseur d'uranium naturel de l'UE, avec une part de 25,38% » contribuant à la fabrication du combustible destiné aux quelques 103 réacteurs en activité dans 13 pays membres de l'UE, dont la moitié sont en France (56 réacteurs), a indiqué lundi à l'AFP Euratom. Au total, le Kazakhstan, le Niger et le Canada ont fourni 74,19 % de l'uranium naturel de l'UE, selon l'ESA.

Sur la période 2005-2020, le Niger a été le troisième fournisseur d'uranium naturel à la France, contribuant pour 19% de ses approvisionnements, derrière le Kazakhstan et l'Australie et devant l'Ouzbékistan, selon des données du comité technique Euratom.

La dépendance de la France en question

Pour ce minerai, le Niger « n'est plus le partenaire stratégique de Paris comme il a pu l'être dans les années 1960-70 », a commenté à l'AFP Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Orano emploie quelque 900 salariés dans le pays — essentiellement du personnel local —, a indiqué jeudi suivre de très près la situation, mais s'est voulu rassurant.

« La crise actuelle n'a aucune incidence de court terme sur les capacités de livraison d'Orano à la France et à ses clients internationaux », a précisé lundi à l'AFP la direction du groupe, en relativisant sa dépendance au Niger « grâce à une production et des projets en développement sur (...) quatre continents ».

Ce week-end, le président français Emmanuel Macron a assuré que Paris « ne tolérerait aucune attaque contre la France et ses intérêts » dans ce pays, secoué par l'instabilité politique.

« La situation au Niger ne présente aucun risque sur la sécurité d'approvisionnement de la France en uranium naturel », a affirmé de son côté à l'AFP le ministère de la Transition énergétique, en précisant que l'exploitant nucléaire français EDF s'était attaché à diversifier ses sources d'approvisionnement.

De leurs côtés, les militaires nigériens ont accusé lundi la France de « vouloir intervenir militairement », au lendemain d'un sommet des voisins ouest-africains du Niger menaçant d'utiliser la « force » s'il n'était pas rétabli dans ses fonctions d'ici dimanche.

Sur Twitter lundi 31 juillet, plusieurs sources étrangères indiquent que les forces putschistes ont interdit l'exportation d'uranium et d'or vers la France.

L'UE cherche à diversifier ses ressources

La diversification des matières nucléaires est l'une des recommandations récurrentes et de longue date de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom.

« Les événements politiques et économiques de 2021 et du début de 2022 », avec notamment la guerre en Ukraine menée par la Russie », acteur majeur de l'uranium, ont de fait « souligné la pertinence et l'urgence des recommandations de l'ESA », soulignait l'agence européenne dans son rapport 2021 d'août 2022.

« Dans l'ensemble » dans l'UE, les livraisons d'uranium naturel « sont bien diversifiés, mais un certain nombre de services publics achètent leur l'uranium auprès d'un seul fournisseur », selon ce rapport.

Pour être utilisable dans un réacteur, l'uranium naturel doit en effet être purifié, converti et enrichi. « On a trois ans de combustible enrichi sur notre territoire (en France) donc il n'y a aucun risque d'approvisionnement », souligne Nicolas Goldberg, expert en énergie du cabinet Colombus Consulting.

(Avec AFP)