Ukraine : Moscou teste des missiles lourds, Washington menace de sanctions sans précédent

Par latribune.fr  |   |  1030  mots
Lancement d'un missile balistique intercontinental russe thermonucléaire de type Yars durant les exercices des forces nucléaires de ce 19 février dans un lieu non identifié saisi ce 19 février. (Crédits : Reuters)
Echanges intensifs de tirs entre l'armée ukrainienne et les séparatistes, essais de missiles nucléaires supervisés par Vladimir Poutine, menaces de dures sanctions économiques par les Etats-Unis, le dossier ukrainien devient de plus en plus menaçant, même si une porte diplomatique reste ouverte.

Les tensions sur le dossier ukrainien sont en train de monter rapidement. Ainsi, la Russie a mené ce samedi des exercices impliquant des tirs de missiles lourds, faisant une nouvelle démonstration de force alors que Washington se dit convaincu d'une invasion imminente de l'Ukraine.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est arrivé en Allemagne pour rencontrer ses alliés occidentaux à la Conférence sur la sécurité de Munich, alors que dans l'est de l'Ukraine, dans le Donbass, les incidents se multiplient entre Kiev et les séparatistes pro-russes. Ces derniers, qui accusent Kiev de vouloir les attaquer, ont annoncé samedi une "mobilisation générale" des hommes en état de combattre, après avoir ordonné la veille l'évacuation de civils vers la Russie voisine.

S'ajoutant à ces graves tensions, le président Vladimir Poutine a supervisé personnellement samedi des exercices "stratégiques" avec des tirs de missiles "hypersoniques", de nouvelles armes que le chef du Kremlin a précédemment qualifiées "d'invincibles" et pouvant porter des charges nucléaires.

"Infliger une défaite garantie à l'ennemi"

"L'objectif principal des exercices est d'entraîner les forces offensives stratégiques pour infliger une défaite garantie à l'ennemi", a déclaré le chef d'état-major russe, Valeri Guerassimov, lors d'une réunion par visioconférence, où Vladimir Poutine est apparu au côté de son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko. "Les objectifs prévus (...) ont été accomplis pleinement, tous les missiles ont atteint les cibles fixées", a indiqué le Kremlin dans un communiqué, précisant que ces manoeuvres avaient impliqué des bombardiers Tu-95 et des sous-marins.

Parallèlement, les Américains accusent toujours Moscou, qui a massé des dizaines de milliers de soldats près des frontières orientales de l'Ukraine, de se préparer à attaquer ce pays.

Les Etats-Unis et leurs alliés imposeront des sanctions économiques "importantes et sans précédent" contre la Russie si elle attaque l'Ukraine, a déclaré samedi la vice-présidente américaine Kamala Harris, lors de la conférence de Munich sur la sécurité. "Nous avons préparé des mesures économiques qui seront rapides, sévères et concertées (...) Nous ciblerons les institutions financières et les industries clés de la Russie", a-t-elle précisé. Kamala Harris a également annoncé que Washington souhaitait renforcer le flanc oriental de l'Otan, sans pour autant rompre le dialogue avec Moscou. La vice-présidente américaine doit rencontrer dans la journée le président ukrainien Volodimir Zelenski pour afficher le soutien de Washington à Kiev, alors que le président américain Joe Biden a déclaré vendredi être convaincu que le président russe Vladimir Poutine avait décidé d'envahir l'Ukraine.

Une rencontre diplomatique prévue jeudi

Les Russes "sont en train de se déployer et s'apprêtent à frapper", a répété samedi le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin, lors d'une visite en Lituanie, ajoutant que les soldats de Moscou "se dirigent vers les positions adéquates pour être en mesure de mener une attaque".

Mais Washington entend laisser la porte ouverte au dialogue. Dans ce sens, une rencontre entre le secrétaire d'Etat Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est prévue jeudi prochain.

Le Kremlin continue de nier toute intention d'attaquer son voisin, pays pro-occidental que le Kremlin veut faire revenir dans sa sphère d'influence. Mais il réclame des garanties pour la sécurité de la Russie, comme le retrait d'Europe de l'Est de l'infrastructure militaire de l'Otan et l'assurance que l'Ukraine n'adhèrera jamais à l'Alliance, des demandes jugées inacceptables par les Occidentaux.

Les préoccupations de Moscou à propos de l'Ukraine doivent "être respectées", a estimé samedi le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi. Depuis Munich, le Premier ministre britannique Boris Johnson a lui appelé "à l'unité" des alliés occidentaux.

Sur le front dans l'est de l'Ukraine, les forces armées ukrainiennes et les séparatistes pro-russes se sont mutuellement accusés samedi de nouvelles graves violations du cessez-le-feu. Kiev a annoncé la mort d'un de ses soldats lors de ces affrontements.

L'armée ukrainienne a fait état de 66 échanges de tirs de mortiers, de 82 et 110 mm de calibre, sur les villes du front, un nombre élevé. Et les observateurs de l'OSCE ont affirmé samedi avoir constaté une "augmentation spectaculaire" des violations du cessez-le-feu, pour un total de 870 vendredi. Selon eux, le nombre d'incidents armés sur la ligne de front est désormais identique à celui d'avant juillet 2020, date d'un accord pour renforcer le cessez-le-feu. Les séparatistes pro-russes et les forces ukrainiennes se battent depuis 2014 dans l'est de l'Ukraine, dans un conflit qui a déjà fait plus de 14.000 morts.

Par ailleurs, Moscou a annoncé samedi l'ouverture d'une enquête après le signalement dans des médias qu'un tir ukrainien était tombé en territoire russe, près de la frontière ukrainienne, sans faire de dégâts ni de victimes. La région russe de Rostov, frontalière de l'Ukraine, a déclaré l'état d'urgence pour faire face à un possible afflux de réfugiés en provenance des zones séparatistes. Près de 20.000 personnes ont quitté ces régions, selon les responsables locaux pro-russes.

150.000 soldats russes

"On a décidé d'aller chez la grand-mère (en Russie) où c'est calme, on a eu notre dose en 2014, on ne veut pas attendre jusqu'au dernier moment", a déclaré à l'AFP Elena Sokela, une habitante de la "république" séparatiste de Donetsk arrivée samedi matin côté russe avec son fils de 16 ans.

Washington et Kiev affirment que Moscou dispose d'environ 150.000 soldats aux frontières de l'Ukraine, en Russie et au Bélarus, un chiffre qui monte jusqu'à 190.000 hommes en comptant les forces séparatistes de l'est de l'Ukraine. C'est "la plus grande concentration de troupes militaires" depuis la Guerre froide, a dit le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.

Pour sa part, la Russie n'a jamais divulgué le nombre de ses soldats massés aux frontières de l'Ukraine ou participant à des manoeuvres au Bélarus voisin.

(avec AFP et Reuters)