Corruption au Parlement européen  : la vice-présidente Eva Kaili est inculpée et écrouée

Par latribune.fr  |   |  692  mots
La vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili avait manifesté plusieurs fois son soutien au Qatar. (Crédits : Reuters)
Une enquête pour corruption provoque une onde de choc au Parlement européen depuis l’interpellation vendredi de plusieurs personnes, dont l’une des 14 vice-présidents de l’institution, l’eurodéputée grecque Eva Kaili. Selon le Parquet, le Qatar aurait cherché à influencer le Parlement pour restaurer son image à l’international en versant des sommes d’argent « conséquentes ». La rentrée parlementaire lundi s’annonce très agitée face à l’ampleur du scandale.La vice-présidente et trois autres personnes ont été inculpées et écrouées ce dimanche.

Les premières sanctions sont tombées : la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, interpellée vendredi par la police belge dans le cadre d'une enquête anticorruption, vient d'être inculpée et écrouée ce dimanche, avec trois autres personnes. L'eurodéputée s'était déjà vu retirée la veille ses délégations par la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.

Quatre personnes, dont Eva Kaili, ont donc été formellement inculpées à Bruxelles par un juge d'instruction pour appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d'argent et corruption, selon un communiqué du parquet fédérale. Deux autres personnes ont été libérées par le juge.

Vendredi dernier, ces personnes avaient été interpellées à l'issue de 16 perquisitions dans une enquête sur des soupçons de versements d'argent par un pays du Golfe, en l'occurrence le Qatar, pour influencer les décisions des eurodéputés. L'affaire éclate en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation entachée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs, mais aussi en matière corruption pour l'attribution de cette compétition internationale.

Flagrant délit

La vice-présidente n'a visiblement pas peu bénéficier de son immunité parlementaire car l'infraction qui lui est reprochée a été constatée en flagrant délit. Pendant les perquisitions, plusieurs sacs remplis de billets ont été découverts au domicile bruxellois de l'élue européenne, après que son père ait été surpris quelque temps auparavant en possession d'une importante somme d'argent en liquide. Au total, 600.000 euros en cash auraient été ainsi saisis.

Le Qatar - sans que son nom soit explicitement cité pour le moment dans l'enquête - est soupçonné « d'influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen en versant des sommes d'argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants », selon le Parquet belge.

Selon l'agence AFP, au moins trois autres suspects arrêtés sont italiens ou d'origine italienne, dont l'ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, ainsi que Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D et le compagnon d'Eva Kaili.

Une rentrée parlementaire sous haute tension

Eva Kaili a plusieurs manifesté son soutien au Qatar, alors cibles de graves accusations, notamment de maltraitance des travailleurs étrangers dans le pays, notamment sur les chantiers du Mondial. La vice-présidente s'était notamment rendue au Qatar début novembre et salué les réformes de l'émirat. « Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait aussi affirmé l'élue européenne le 22 novembre à la tribune du Parlement européen. Des propos qui avaient alors suscité de sérieux remous au Parlement européen.

Cette affaire de corruption, qui vise une figure de la sociale démocratie au Parlement européen, a logiquement provoqué un tsunami politique à Bruxelles et suscité des appels d'élus et d'ONG pour une meilleure éthique et transparence au sein de cette institution européenne. Une situation d'autant plus délicate que le Parlement européen se veut le champion des règles éthiques.

« Il ne s'agit pas d'un incident isolé », a réagi samedi l'organisation Transparency international au lendemain de l'opération de police. « Depuis plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l'impunité (...) et une absence totale de contrôle éthique indépendant », a ajouté l'ONG. Ce contrôle au sein de l'institution est « défectueux », a renchéri sur Twitter Alberto Alemanno, professeur de droit au Collège d'Europe à Bruges.

La prochaine session, qui démarre lundi à Strasbourg, s'annonce donc agitée. L'eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) a exigé un nouveau débat sur le même sujet, en fustigeant samedi « le lobbying agressif du Qatar ». Il y a toujours eu au Parlement européen des soupçons d'achats de vote. Ce scandale risque donc d'ouvrir une boîte de Pandore.

(avec agences)