Italie : démission de Mario Draghi, coup dur pour le pays

Par latribune.fr  |   |  751  mots
Mario Draghi a démissionné ce jeudi matin de son poste de Premier ministre. (Crédits : GUGLIELMO MANGIAPANE)
Prenant acte de la démission de son Premier ministre, le président de la République Sergio Mattarella devrait prononcer dans la foulée la dissolution du Parlement et convoquer des élections anticipées pour cet automne. La chute du gouvernement Draghi ouvre une période d'instabilité politique dans un moment de crises inflationniste, alimentaire et énergétique qui rendent la dette italienne plus fragile que jamais.

[Publié le 21.07.2022, 8:22; mis à jour 10:45 avec la démission de M. Draghi]

Son départ était devenu inéluctable. Mario Draghi a remis sa démission ce jeudi matin au président de la République italienne Sergio Mattarella. Le Premier ministre italien a présenté « sa démission et celle de son gouvernement. Le Président de la République en a pris acte», a déclaré la présidence italienne dans un communiqué.

Mario Draghi avait perdu au parlement le soutien de trois partis de sa coalition. En effet, Forza Italia, le parti de centre-droit de Silvio Berlusconi, la Ligue, la formation d'extrême droite de Matteo Salvini, et la formation populiste du Mouvement 5 Etoiles (M5S) ont refusé de participer au vote de confiance demandé mercredi par le Premier ministre au Sénat.

La sortie de Mario Draghi laisse un goût amer à une partie des Italiens qui voient en lui une figure consensuelle et respectée à l'étranger. Selon les sondages, deux-tiers d'entre eux souhaitaient que "Super Mario" reste à la barre. Arrivé à la tête de l'exécutif en février 2021 pour sortir l'Italie de la crise sanitaire et économique, Mario Draghi avait déjà donné sa démission le 14 juillet au président Mattarella, qui l'avait aussitôt refusée et lui avait réclamé de demander un vote de confiance du parlement.

La nomination du successeur de Mario Draghi ne devrait pas intervenir avant de nouvelles élections législatives, probablement cet automne. En attendant, il doit abandonner les grands projets de réformes à mener, gelés jusqu'à nouvel ordre.

En Europe, les marchés s'inquiètent

A Bruxelles, l'heure est à l'inquiétude quant à l'avenir proche de la troisième économie de la zone euro. Le commissaire européen à l'Économie, l'Italien Paolo Gentiloni, a jugé « irresponsables » les partis ayant fait défection, alors que Bruxelles et ses partenaires européens avaient fait pression pour que le Premier ministre, gage de stabilité, reste à son poste. L'Italie perd Mario Draghi au plus mauvais moment alors que les nuages s'accumulent au-dessus de l'économie du pays, vulnérable aux chocs qui se conjuguent depuis plusieurs mois.

Au plan énergétique d'abord, l'Italie importait 40% de son gaz de Russie jusqu'au début de la guerre en Ukraine. Mario Draghi s'est activé pendant ses derniers mois de mandat pour trouver des alternatives au gaz russe, dont les livraisons s'amenuisent. L'ancien Premier ministre se trouvait à Alger en début de semaine pour négocier davantage d'exportations de gaz algérien vers l'Italie. Si le pays venait à manquer d'énergie cet hiver, cela risquerait de paralyser en partie son important secteur industriel et plus généralement son économie, potentiellement à la veille d'une récession.

Ce retournement de conjoncture suscite l'inquiétude des marchés autour des finances publiques italiennes, déjà lestées par un endettement colossal (150% du PIB fin 2021 contre 70% en Allemagne) et une faible capacité à réduire les déficits. Le coût de la dette de l'Italie est reparti à la hausse, signe de la nervosité des marchés face à l'incertitude dans la péninsule. Les conséquences de cette inévitable démission sont donc déjà là. L'euro perdait hier soir 0,48%, à 1,0177 dollar pour 1 euro, après avoir atteint, la veille, son plus haut niveau depuis deux semaines.

Aggravation du risque de fragmentation

La valeur des emprunts d'Etat italiens a encore fondu, signe d'une moindre confiance dans la capacité du pays à honorer ses échéances de dette. Le taux d'intérêt de ces obligations, qui évolue en sens opposé des prix, a lui bondi, frôlant son plus grand écart depuis 26 mois avec le taux allemand de même échéance. Cela ravive le risque de « fragmentation » des dettes européennes, c'est-à-dire un trop grand écart entre les taux d'intérêts auxquels empruntent les pays fragiles financièrement comme l'Italie, et ceux jugés solides comme l'Allemagne ou l'Europe du Nord.

Si ces taux divergent de façon excessive, les économies concernées divergeront aussi, de quoi menacer l'unité de la zone euro. C'est ce qui s'était passé lors de la crise des dettes souveraines de 2011 à 2012 dans l'UE. A l'époque, la possibilité d'une sortie de l'Italie de la zone euro avait préoccupé les Européens qui craignaient son implosion. La catastrophe avait finalement pu être évitée - entre autres - grâce à la promesse de sauver l'euro « à tout prix » faite par le président de la BCE d'alors. Un certain Mario Draghi.