Pologne : le plan pour "dérussifier" l'économie et résister au "chantage gazier" de Moscou

Par latribune.fr  |   |  912  mots
Mateusz Morawiecki, le Premier ministre polonais (Crédits : AGENCJA GAZETA)
Le Premier ministre polonais a annoncé vendredi une série de mesures dite "bouclier anti-Poutine", destinées selon lui à "dérussifier l'économie polonaise et européenne", freiner l'inflation, protéger l'emploi et résister au "chantage gazier" de Moscou.

La Pologne est le pays le plus en pointe dans l'accueil des réfugiés ukrainiens (voir encadré ci-dessous). C'est aussi l'un des plus menacés par la Russie, ce voisin qui lui a fait beaucoup de tort au cours de l'histoire et qui a, de facto, toujours suscité la méfiance. Et avec le nouvel ordre mondial qui se dessine depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les sanctions occidentales à l'encontre de Moscou qui l'accompagnent, la Pologne veut sortir de la dépendance économique de la Russie. Ce vendredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a annoncé une série de mesures dite "bouclier anti-Poutine" destinées selon lui à "dérussifier l'économie polonaise et européenne", mais aussi freiner l'inflation, protéger l'emploi et résister au "chantage gazier" de Moscou.

"Nous nous emploierons à dérussifier l'économie polonaise et européenne, car la Pologne est aujourd'hui à l'avant-garde de tous ces pays qui cherchent à inspirer les autres pour sortir de la dépendance du gaz, du pétrole et du charbon russes", a déclaré le chef du gouvernement polonais au cours d'une conférence de presse. L'objectif du "bouclier anti-Poutine" est de résister "à l'impact du chantage gazier de Poutine" et surtout "d'empêcher la hausse des prix des produits alimentaires", a-t-il précisé.

Par conséquent, l'Etat investira trois milliards de zlotys (636 millions d'euros) dans la société d'Etat Gaz-System qui construit et exploite les gazoducs ainsi que le terminal gazier du port de Swinoujscie, dans l'ouest du pays. Gaz-System construit notamment le gazoduc Baltic Pipe qui doit amener en Pologne du gaz norvégien avant la fin de l'année et réduire la dépendance du pays du gaz russe.

Lutte contre l'inflation

Le Premier ministre polonais avait annoncé samedi dernier que les mesures temporaires prises fin novembre pour combattre la forte inflation seraient prolongées. Ces mesures, ont consisté notamment en une série de baisses temporaires d'impôts. Le bouclier anti-inflation, renforcé début février, a réduit notamment la TVA sur le gaz (passée de 23% à 8% puis à 0% à partir du 1er février). La TVA sur l'électricité, les carburants, le chauffage et les engrais a baissé également.  L'inflation progresse rapidement en Pologne - elle a atteint 9,2% en janvier - et le zloty a frôlé lundi dernier le seuil symbolique de 5 zlotys pour un euro, avant de remonter légèrement. La banque centrale de Pologne (NBP) a annoncé récemment le relèvement de son principal taux directeur à 3,50%, contre 2,75% précédemment.

Nouvelles mesures

Pour contenir la hausse, déjà forte, des prix alimentaires, l'Etat va donc verser aux agriculteurs, touchés par la hausse des prix des engrais, une allocation de 500 zlotys (près de cent euros) par hectare de terre arable et la moitié de cette somme par hectare de pâturage. Cette aide sera plafonnée à cinquante hectares par exploitation.

Son montant rappelle l'allocation "500+" par enfant, la mesure phare du gouvernement conservateur au pouvoir en Pologne depuis 2015, qui lui a valu la reconnaissance surtout des couches défavorisées de la population.

Parmi les autres secteurs de l'économie touchés par les conséquences de la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales contre la Russie, Mateusz Morawiecki a cité le transport routier, domaine dans lequel la Pologne est très fortement présente en Europe.

Interrogé sur les achats de charbon russe et un embargo potentiel, il a dit "attendre des décisions courageuses de la Commission européenne", et souligné que la Pologne cherchait à s'approvisionner en Afrique du Sud, en Australie, en Colombie et aux Etats-Unis "partout là où nous ne subirons pas de chantage".

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Les deux-tiers des réfugiés ukrainiens sont en Pologne

Le nombre des personnes arrivées d'Ukraine en Pologne pour fuir l'invasion russe a dépassé les deux millions vendredi, ont annoncé les garde-frontières polonais. Ce sont en majorité des femmes avec des enfants. En comparant ce chiffre avec le décompte du nombre total de réfugiés ukrainiens publié par l'ONU, on constate que deux sur trois sont entrés en Pologne. Beaucoup d'entre eux cherchent cependant à poursuivre leur voyage vers l'Europe de l'Ouest ou le Canada. Le nombre total des réfugiés fuyant l'invasion russe en Ukraine a dépassé jeudi 3,1 million de personnes, selon un décompte du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), une agence de l'ONU. Ils sont en très grande majorité citoyens ukrainiens. Cependant, quelque 162.000 ressortissants de pays tiers ont fui l'Ukraine, a indiqué mercredi l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

L'ONU a également recensé environ deux millions de déplacés à l'intérieur du pays. Ces derniers jours les autorités polonaises ont noté une baisse du nombre de nouveaux arrivants. Ainsi les chiffres enregistrés vendredi entre 23H00 GMT et 6H00 GMT étaient de 41% inférieurs à ceux de la même période la veille. Et jeudi la baisse globale sur la journée a été de 11%. Par ailleurs, depuis le début de l'attaque russe le 24 février, 227.000 personnes ont franchi la frontière polono-ukrainienne dans le sens opposé.

En Pologne, l'arrivée massive des Ukrainiens a été bien accueillie par la société et les autorités. A partir de mercredi, les Ukrainiens peuvent s'enregistrer officiellement auprès des communes où ils résident pour bénéficier notamment de l'accès aux services de santé et scolariser provisoirement leurs enfants.

(Avec AFP)