Ukraine : Bruxelles propose un compromis à la Hongrie qui menace (encore) de bloquer l'aide européenne

Par latribune.fr  |   |  984  mots
Mardi, Viktor Orban a affirmé que les manifestations des agriculteurs dans plusieurs pays européens « montrent à quel point l'Ukraine est un problème grave pour l'Europe, indépendamment de la guerre ». (Crédits : JOHANNA GERON)
Pour convaincre Budapest de voter l'envoi d'une aide de 50 milliards d'euros à l'Ukraine lors d'un sommet, jeudi, l'UE a proposé au Premier ministre hongrois, Viktor Orban, un débat annuel sur l'aide financière versée. Mardi, ce dernier avait pourtant rappelé son opposition au soutien à Kiev.

Le temps presse pour le vote, et donc le versement, d'une aide de 50 milliards d'euros à l'Ukraine par l'Union européenne. La durée du conflit déclenché par la Russie approche désormais les deux années. Or, un sommet européen est organisé ce jeudi à Bruxelles. L'objectif des Etats membres, convaincre Viktor Orban - plus proche allié de Moscou au sein de l'UE - de renoncer à son opposition au versement de cette enveloppe à l'Ukraine.

Versée sur quatre ans, cette aide se révèle majeure pour Kiev. La Hongrie, elle, ne semble toutefois pas l'entendre, puisqu'elle a opposé son veto au soutien financier, lors d'un précédent sommet à la mi-décembre. Et pourtant, le dispositif doit être validé à l'unanimité par les 27.

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Pour faire changer d'avis Viktor Orban, un débat annuel sur l'aide financière versée à l'Ukraine a été avancé, ont indiqué mercredi des responsables européens à la veille d'un sommet extraordinaire. « Il y a une proposition (...) qui est clairement une main tendue à la Hongrie », a indiqué à des journalistes un diplomate européen sous couvert d'anonymat, tout en reconnaissant qu'à ce stade, il n'y avait pas d'accord sur cette solution du côté des négociateurs hongrois.

Ce haut responsable a toutefois estimé qu'il y avait « davantage de signes positifs » que fin 2023, quand Viktor Orban, contre l'avis des 26 autres chefs d'État ou de gouvernement, avait bloqué l'aide à l'Ukraine.

La Hongrie, seul pays opposé

De son côté, la Hongrie réclame de pouvoir procéder à une révision annuelle de ces fonds (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons). Les autres pays de l'UE, eux, ne veulent pas lui donner ces occasions régulières d'opposer son veto. Mardi, Viktor Orban a affirmé que les manifestations des agriculteurs dans plusieurs pays européens « montrent à quel point l'Ukraine est un problème grave pour l'Europe, indépendamment de la guerre ».

« Nous devons être très prudents, car l'Ukraine est un pays immense ». Et son rapprochement, voire son adhésion à l'UE, « aura un énorme impact, désastreux sur les économies européennes, en particulier dans le secteur agricole », a-t-il argumenté dans un entretien avec l'hebdomadaire Le Point.

Leur production est « bien meilleur marché que celle des paysans français et hongrois, et ce n'est pas soutenable. Nous ne pouvons pas rivaliser », a complété le dirigeant nationaliste, appelant la Commission européenne à « défendre les intérêts européens contre les Ukrainiens, et non l'inverse ».

Le dirigeant nationaliste est notamment accusé de faire du chantage à l'UE pour obtenir le versement de fonds européens destinés à son pays mais actuellement gelés par Bruxelles, en raison des manquements à l'État de droit reprochés à Budapest.

Bruxelles oscille entre main tendue et menaces

S'ils ne parviennent pas à convaincre leur homologue hongrois, les autres dirigeants européens ont promis de trouver une solution pour continuer à soutenir financièrement l'Ukraine.

« Tout indique que, d'une manière ou d'une autre, nous trouverons une solution, avec ou sans (le Premier ministre hongrois Viktor) Orban, pour soutenir l'Ukraine, mais il serait préférable, et nous nous sentirions tous mieux alors, que l'unité de l'Europe soit préservée dans ce processus », a répondu mardi, le nouveau Premier ministre polonais Donald Tusk.

« Viktor Orban est resté seul sur le champ de bataille. Il est le seul homme politique (européen) à être aussi ouvertement anti-ukrainien. »

De son côté, mardi, Emmanuel Macron a appelé l'union à « accélérer ». Le Vieux continent doit prendre des « décisions justes et courageuses », voire « innovantes », dans les prochains mois pour « accélérer » et amplifier son soutien militaire à Kiev, a-t-il assuré ce mardi lors de sa visite en Suède.

« Nous devons être prêts à agir, défendre et soutenir l'Ukraine quoi qu'il se passe », notamment lors de l'élection présidentielle américaine de novembre, a-t-il insisté, lors d'un discours à l'Académie militaire de Karlberg, estimant que le « coût » d'une victoire russe serait « trop élevé pour nous ».

Pour voter l'aide, Bruxelles irait jusqu'à menacer la Hongrie de subir « un vaste blocus financier », a affirmé Viktor Orban, en se basant sur le contenu d'un article du Financial Times. Selon le quotidien britannique, l'UE a préparé un document appelant les dirigeants des 26 pays à publiquement menacer de priver la Hongrie de tous les fonds qui lui reviennent si aucune solution n'est trouvée jeudi, afin de faire pression sur Budapest en « mettant en danger sa monnaie » et en ébranlant la confiance des investisseurs.

« C'est une sorte de manuel du maître chanteur. (...) Je n'ai aucun doute sur l'authenticité de ce document. Connaissant Bruxelles, ils en sont capables », a lâché le représentant de la Hongrie.

L'UE revient sur l'exemption de droits de douane avec l'Ukraine

Face aux critiques de la Hongrie, mais aussi de la colère des agriculteurs européens qui crient à la concurrence déloyale, ce mercredi, la Commission européenne a proposé de reconduire l'exemption de droits de douane dont bénéficient les produits agricoles entrant dans l'UE, tout en l'assortissant de « mesures de sauvegarde ».

Objectif affiché, limiter les volumes des produits les plus sensibles. Pour rappel, les volailles en provenance d'Ukraine affluent en France depuis que l'Union européenne a, en mai 2022, suspendu les droits de douane avec l'Ukraine en soutien à l'économie du pays, sur la base de l'accord de libre-échange signé en 2014.

Ces nouveaux « mécanismes renforcés » permettront d'adopter « des mesures correctives rapides » en cas de perturbations importantes sur le marché européen, y compris si elles sont localisées. Pour certains produits - volaille, œufs et sucre - un « frein d'urgence » est prévu pour « stabiliser » les importations aux volumes moyens importés en 2022 et 2023 - niveaux au-delà desquels des droits de douane seraient réimposés, a indiqué l'exécutif européen.

(Avec AFP)