Virage à gauche pour le parti travailliste britannique

Par latribune.fr  |   |  908  mots
Partisan d'une gauche radicale, Jeremy Corbyn a été désigné ce samedi à la tête du parti travailliste

Jeremy Corbyn, chantre de la gauche radicale britannique, a été élu haut la main samedi chef du Parti travailliste et a immédiatement plaidé pour "une société meilleure et juste".

L'eurosceptique de 66 ans, farouche opposant des politiques d'austérité dans la lignée des partis grec Syriza et espagnol Podemos, l'a emporté avec 59,5% des voix, selon les résultats annoncés à Londres lors d'un congrès exceptionnel du Labour, principal parti d'opposition britannique.

Les concurrents balayés

Il n'a fait qu'une bouchée de ses trois rivaux, Andy Burnham, Yvette Cooper et Liz Kendall.

La campagne pour cette élection "a montré que notre parti et notre mouvement, passionné, démocrate, divers, était uni et résolument déterminé dans notre quête pour une société meilleure et juste pour tous", a déclaré M. Corbyn, 66 ans, s'exprimant sur un ton passionné juste après son élection.

Condamnation des inégalités


Se concentrant sur les questions de politique intérieure, il a condamné "les inégalités qui ont atteint des proportions grotesques" et dénoncé "un système de protection sociale injuste". Il a appelé le gouvernement conservateur à plus de "compassion" envers les réfugiés qui cherchent asile en Europe et annoncé qu'il prendrait part à la manifestation prévue sur ce thème dans la journée à Londres.

Le député d'Islington Nord, dans le nord de Londres, avait relancé de façon inattendue et spectaculaire la course pour le leadership du Labour, ouverte après la défaite d'Ed Miliband aux législatives de mai dernier.


Tenter de battre les Tories en 2020


Cette désignation est une étape stratégique dans la vie du Labour puisque son nouveau leader aura la responsabilité de remettre le parti sur les rails après sa lourde défaite aux élections législatives du 7 mai face aux conservateurs du Premier ministre David Cameron.

Le successeur d'Ed Miliband aura également pour mission de conduire le parti d'opposition jusqu'au prochain scrutin législatif de 2020, et en serait alors le candidat naturel pour tenter de mettre fin à 10 ans de règne des tories.

 610.000 participants au vote


Après plusieurs semaines de campagne, le vote pour l'élection du nouveau chef du Labour s'est clos jeudi, et aura réuni au total 610.000 participants.

Jeremy Corbyn l'a emporté face à ses trois rivaux, Andy Burnham, Yvette Cooper et Liz Kendall, plus jeunes, plus conventionnels, et moins à gauche.

Dans la ligne de Syriza et Podemos

La victoire de ce barbu de 66 ans, farouche opposant des politiques d'austérité dans la lignée des partis grec Syriza ou espagnol Podemos, a des airs de petite révolution au sein d'un Labour qui ne jurait, il n'y a encore pas si longtemps, que par le modèle social-démocrate de Tony Blair.

Antimilitariste, partisan d'une politique fiscale taxant davantage les plus riches, ce végétarien au style décontracté est parvenu à rallier les militants en quête d'alternative politique, créant un engouement d'une intensité que les caciques du parti étaient loin d'imaginer. "Il triomphe parce qu'il représente un rejet de la politique classique et parce que les autres candidats n'ont pas su inspirer l'enthousiasme ou l'espoir", soulignait récemment Andrew Harrop, secrétaire général de la Fabian Society, un think tank de centre-gauche.



 La base du parti séduite

Jeudi soir, lors de son dernier meeting de campagne dans son fief d'Islington-Nord (nord de Londres), dont il est député depuis 1983, Corbyn a répété son credo devant un public acquis à sa cause.
"Nous changeons la politique au Royaume-Uni, nous défions l'idée qui voudrait que seules les questions individuelles comptent et à la place, nous disons que le bien commun est notre aspiration à tous", a-t-il lancé.

A défaut d'emporter l'adhésion de ses collègues députés, Corbyn a séduit la base du parti et les syndicats en prônant un virage à gauche, toute, avec des propositions comme la re-nationalisation des chemins de fer et de l'énergie ou le contrôle des loyers.

"C'est rare de rencontrer un homme politique aussi stimulant et qui donne une telle énergie aux gens. Loin des petits jeux politiques où on s'insulte en comptant les points. Ici, on parle vraiment de politique. Jeremy a mené une campagne pleine d'espoir, l'espoir d'un changement", a déclaré James, 24 ans, lors du meeting d'Islington.

Tony Blair n'y croit pas

Mais si Corbyn a su conquérir les foules, sa popularité grandissante lui a aussi valu des inimitiés, jusque dans son propre camp, d'aucuns considérant que sa victoire diviserait le Labour, et compromettrait grandement ses chances de gagner en 2020.
 "Vous ne gagnez pas avec un programme à gauche de la gauche", a lâché Tony Blair.

Les attaques sont également venues de la droite, même si les observateurs estiment qu'un Labour dirigé par Corbyn représenterait une chance formidable pour les conservateurs, qui pourraient récupérer les centristes échaudés par son radicalisme.

"Son discours extrémiste promet seulement plus de dépenses, plus d'emprunts et plus de taxes", a fustigé vendredi David Cameron parlant du Labour mais visant Corbyn.
 "J'espère que nous n'aurons pas une opposition qui nous ramène aux disputes que je pensais réglées dans les années 1980 quand il était question de nationaliser la moitié de l'industrie britannique et de nous débarrasser de notre armement nucléaire", a-t-il ajouté.


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