Commissions d’interchange : cet (autre) projet de Bruxelles qui fâche les banques

Par Christine Lejoux  |   |  601  mots
Les commissions d'interchange représentent 10 milliards d'euros environ chaque année, estime la Commission européenne.
Le Parlement européen se prononce jeudi 3 avril sur le projet de plafonnement des commissions d’interchange, payées par la banque du commerçant à celle du consommateur lors de chaque transaction par carte bancaire.

La Commission européenne n'a pas la cote auprès des banques, à l'heure actuelle. Après son projet de réforme bancaire, qui avait provoqué - en début d'année - l'ire des établissements de crédit, en particulier en France et en Allemagne, c'est au tour de sa proposition de règlement relative aux commissions d'interchange sur les paiements par carte bancaire de déchaîner à nouveau les passions.

 En effet, c'est ce jeudi 3 avril que le Parlement européen doit se prononcer sur ce texte, présenté le 24 juillet dernier par Michel Barnier et Joaquin Almunia, les commissaires respectivement en charge des services financiers et de la concurrence. Un texte qui vise à plafonner les commissions multilatérales d'interchange (CMI) versées par la banque du commerçant à celle du consommateur, lors de chaque paiement par carte bancaire.

 Des commissions qui s'élèvent à 10 milliards d'euros par an

 Ces commissions, qui rémunèrent le service rendu par la banque du consommateur à celle du commerçant - à savoir la garantie du paiement -, s'élèvent aujourd'hui à 1,14% du montant de la transaction, en moyenne, dans l'Union européenne. Ou, de façon plus évocatrice, à dix milliards d'euros, bon an mal an, selon la Commission européenne. A noter que le niveau de l'interchange est très hétérogène d'un pays à l'autre, puisqu'il n'excède pas 0,37% en France - soit environ 1,5 milliard d'euros de commissions par an -, alors qu'il grimpe à 1,60% en Pologne. En tout état de cause, jugeant le niveau moyen des commissions d'interchange dans l'Union européenne "indûment élevé", Michel Barnier et Joaquin Almunia souhaitent le ramener à 0,30% du montant de la transaction.

 Soit une chute de près de 74% par rapport à son étiage actuel. L'objectif : permettre aux commerçants et, in fine, aux consommateurs, de réaliser des économies substantielles. De fait, la banque du commerçant facture le coût des commissions d'interchange à ce dernier, lequel le répercute à son tour sur le client au travers de ses prix de vente.

"Les détaillants feront d'importantes économies grâce à la réduction des commissions qu'ils auront à verser à leur banque ; et les consommateurs profiteront de la baisse des prix de détail qui en découlera",

avait expliqué Joaquin Almunia, le 24 juillet.

 Les cotisations sur les cartes bancaires risquent d'augmenter

 Sauf que rien ne dit que les commerçants joueront le jeu, et c'est là le principal argument brandi par les banques pour dénoncer ce projet de réglementation qui risque de déboucher sur un sérieux manque à gagner pour certaines d'entre elles.

"L'expérience montre que dans les pays où les commissions d'interchange ont été réduites, notamment en Espagne et en Australie, les bénéfices attendus pour les consommateurs ne se sont pas matérialisés ",

affirme la Fédération bancaire européenne. Au contraire, même : non seulement les consommateurs n'ont pas bénéficié de baisses de prix chez les commerçants, mais ils ont dû en outre supporter une flambée de leurs cotisations annuelles sur les cartes bancaires.

 En effet, il y a fort à parier que les banques tenteront de compenser la baisse des commissions d'interchange par une hausse de leurs tarifs, à l'image des agences de voyage qui, confrontées à une chute structurelle de leurs commissions voici quelques années, avaient alors commencé à facturer des services jusqu'à présent gratuits pour le consommateur. Un consommateur qui risque également de pâtir d'une baisse des investissements des banques dans la sécurisation des infrastructures de paiement par carte bancaire, préviennent les établissements de crédit.