La (bonne) titrisation amorce son retour en France

Par Christine Lejoux  |   |  769  mots
Le véhicule de titrisation de créances de PME créé par cinq banques françaises a émis pour 2,65 milliards d'euros le 11 avril. REUTERS.
Cinq banques françaises viennent de créer un véhicule de titrisation des créances aux PME et aux ETI. L’objectif : faciliter l’accès des banques aux liquidités et, par ricochet, favoriser le crédit aux entreprises.

La titrisation, c'est un peu comme le cholestérol, il y a la bonne et la mauvaise. Si la mauvaise, avec ses amalgames d'actifs sains et de crédits toxiques, a été à l'origine de la crise des "subprimes" (crédits hypothécaires américains à risque), en 2007, la bonne peut au contraire représenter un outil très intéressant de financement de l'économie.

En effet, la titrisation consiste, pour les banques, à transformer des créances en titres cédés à des investisseurs sur les marchés. Ce qui permet aux banques de récupérer des fonds susceptibles d'être utilisés sous la forme de nouveaux prêts, lesquels viendront financer l'investissement et, partant, la croissance économique. C'est d'ailleurs pourquoi, du commissaire européen Michel Barnier au président de la BCE Mario Draghi, un nombre croissant de voix s'élèvent en faveur d'un retour de la titrisation, de bonne qualité s'entend.

 Une première émission de 2,650 milliards d'euros

A cet égard, la création par cinq banques françaises d'une société de titrisation de créances aux PME, annoncée vendredi 11 avril par la Fédération bancaire française (FBF), pourrait être regardée avec intérêt à l'étranger. Vendredi, ce véhicule ad hoc créé par BNP Paribas, la Société générale, BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne), le Crédit agricole et HSBC France a procédé à une première émission, pour 2,650 milliards d'euros, de Euro Secured Notes (ESN). Il s'agit là de titres d'un genre nouveau, qui présentent la particularité d'être adossés à des prêts consentis par les cinq banques en question à des PME et à des ETI (entreprises de taille intermédiaire).

Ces titres ne sont pas notés par des agences de notation mais les créances auxquelles ils sont adossés "présentent une note élevée dans l'échelle de cotation de la Banque de France", souligne la FBF. Au passage, la Banque de France est l'une des rares banques centrales européennes à effectuer ce type de notation, si bien que ce système de titrisation des créances sur les PME ne devrait pas être aisé à répliquer dans d'autres pays.

Une ressemblance avec les "covered bonds"

Non seulement les ESN sont adossés à des créances bien notées par la Banque de France, mais le véhicule qui les émet est de plus compartimenté par banque. Autrement dit, le détenteur d'ESN d'une banque A ne risquera pas d'être "contaminé" par les difficultés éventuelles d'une banque B. En outre, les ESN se rapprochent des "covered bonds" (obligations sécurisées), dans la mesure où ils offrent à leur détenteur un système de double recours, sur la banque qui a "originé" le titre et sur les actifs sous-jacents.

"La place de Paris a défini les caractéristiques des ESN selon des standards élevés de transparence, de simplicité et de sécurité, favorisant ainsi une titrisation de haute qualité", insiste la FBF. De fait, Les ESN s'inscrivent dans la titrisation dite "déconsolidante" promue par le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, qui consiste pour la banque à garder une partie du risque lié à la créance mise sur le marché. Ainsi, les créances titrisées vendredi restent gérées par les groupes bancaires ayant accordé les crédits et les titres émis ne sont pas découpés en tranches.

Favoriser le financement des entreprises

Sous la coordination de la Banque de France, la place financière de Paris travaillait depuis 2011 sur ce projet. L'objectif : faciliter l'accès des banques françaises à la liquidité, en leur permettant d'utiliser de nouveaux actifs - en l'occurrence, les prêts aux PME - comme collatéral sur le marché interbancaire et auprès de l'Eurosystème. Mais les discussions avec ce dernier sont encore en cours. Pour le moment, les banques françaises ne peuvent utiliser les ESN pour se refinancer qu'auprès de la Banque de France et d'autres banques privées.

 En tout état de cause, avec cette initiative, "la Banque de France fait d'une pierre deux coups car le fait de rendre les prêts aux PME plus facilement monétisables devrait inciter les banques à consentir davantage de crédits aux petites et moyennes entreprises", estime un banquier français. La FBF n'en doute pas, qui souligne que "la place de Paris se dote des instruments permettant de favoriser le financement des entreprises par une plus grande liquidité conférée aux créances, et donc de favoriser la croissance et l'emploi."