Financement de l'économie : la sulfureuse titrisation amorce un "come-back"

Le tabou de la titrisation semble se lever. "Cela faisait longtemps qu'on ne parlait plus de financements structurés", a reconnu jeudi Nicolas Malaterre, directeur des financements structurés Europe chez Standard & Poor's (S&P), lors d'une conférence de presse. Et pour cause : la titrisation - cette technique de financement qui consiste, pour une entreprise, à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances, en les transformant en titres émis sur les marchés - est accusée d'avoir provoqué en 2007 la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains à risque), prélude à crise financière de 2008.Preuve de la mise au ban de la titrisation, ce marché n'a pas excédé 197 milliards d'euros, en Europe, l'an dernier, selon l'agence de notation Fitch. Contre… 720 milliards d'euros en 2008. BNP Paribas a cédé un portefeuille de 130 millions de dollars de prêts Mais les émissions de titrisation connaissent "une légère reprise", affirme Nicolas Malaterre. De fait, fin août août, BNP Paribas a cédé un portefeuille de 130 millions de dollars de prêts accordés à des groupes de négoce de matières premières. "C'est une manière de respecter les diverses contraintes auxquelles nous devons faire face en matière de régulation et de fonds propres, tout en continuant à développer nos activités avec les négociants en matière premières", avait alors expliqué Gabriel Vaduva, chef adjoint des activités de services pour l'énergie et les matières premières de BNP Paribas, dans les colonnes du Financial Times.Les contraintes évoquées par Gabriel Vaduva, c'est essentiellement la future réglementation de Bâle III, qui doit entrer en vigueur à partir de l'an prochain, et qui imposera aux banques d'alléger leurs bilans et de renforcer leurs ratios de liquidité. Des impératifs auxquels la titrisation répond parfaitement, puisqu'elle permet à une banque de transférer un ou plusieurs prêts dans le bilan d'autres investisseurs. Lesquels, en échange, achètent des titres de la banque, l'abreuvant ainsi en liquidités. BNP Paribas envisage donc de procéder à de nouvelles opérations de ce type. Tout comme le Crédit Foncier, qui avait titrisé un milliard d'euros de prêts en 2012. Bruxelles veut promouvoir davantage la titrisation Les banques ne sont pas seules à devoir diversifier leurs sources de financement. Cette problématique se pose pour l'ensemble des entreprises, et plus particulièrement pour les PME, du fait, précisément, des nouvelles réglementations qui pèseront sur les banques et réduiront leur capacité à financer l'économie.Dans cette perspective, la jadis diabolique titrisation est considérée comme une alternative intéressante au financement bancaire, y compris par la Commission européenne. En effet, dans un livre vert publié fin mars sur le financement à long terme de l'économie européenne, Bruxelles avait suggéré de promouvoir davantage la titrisation, allant jusqu'à regretter que le marché européen de la titrisation soit "peu développé par rapport à d'autres régions du monde."La Banque de France lancera un véhicule de titrisation de prêts aux PMEQuelques semaines plus tard, début mai, c'est la Banque centrale européenne (BCE) qui avait fait part de son intention de redynamiser le marché des "ABS" (asset-backed securities), ces paquets de titres adossés à des prêts aux entreprises. Concrètement, la BCE assouplirait les règles de "collatéral" (adossement) de ses opérations de prêt, en acceptant ces ABS en garantie de la part des banques, en contrepartie des liquidités accordées à ces dernières. L'objectif : inciter les banques à prêter davantage aux PME.Toujours pour relancer le crédit aux petites entreprises, la Banque de France avait confirmé, en mai également, le lancement prochain d'un véhicule de titrisation de prêts bancaires aux PME. Ces derniers seront regroupés en ABS que les banques pourront, là encore, apporter au guichet de la BCE, en échange de liquidités. Depuis mi-2007, 1,4% seulement des titrisations européennes ont fait défaut Autant d'initiatives qui n'inquiètent pas les autorités de marché, bien au contraire. "La titrisation, quand elle est bien faite, est utile au financement de l'économie. Et je pense qu'elle sera utile au financement de l'économie européenne, dans les prochaines années", avait estimé Gérard Rameix, le président de l'Autorité des marchés financiers, lors de la présentation du rapport annuel de l'AMF, le 13 juin dernier. Le hic, c'est que la titrisation a toujours mauvaise presse auprès des investisseurs. "Le déclin du nombre d'investisseurs, en partie du à l'association du mot "titrisation" avec ce qui s'est passé aux Etats-Unis [la crise des subprimes ; Ndlr], freine la reprise du marché", confirme Nicolas Malaterre, chez S& P. Pourtant, ajoute ce dernier, "depuis 2007, le taux de défaut des opérations européennes de titrisation est sans commune mesure avec celui des Etats-Unis." Ainsi, sur les 2.778 milliards d'euros de titrisations européennes notées par S&P de la mi-2007 au premier trimestre 2013, 1,4% seulement ont fait défaut, contre 17,4% pour les opérations américaines de titrisation. Un label de qualité a été créé en Europe Une qualité supérieure que l'association européenne des marchés financiers s'efforce de promouvoir, notamment avec le label "Prime Collateralised Securities", lancé en juin 2012 et censé garantir aux investisseurs et aux régulateurs la transparence et la simplicité des opérations de titrisation européennes. A ce jour, "une trentaine d'opérations ont obtenu ce label PCS", indique Nicolas Malaterre. L'amorce d'un véritable retour en grâce de la titrisation ?
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