Comment le renminbi devient une véritable monnaie internationale

Par François Roche  |   |  633  mots
C'est indéniable, la monnaie chinoise prend une place de plus importante dans les flux financiers mondiaux, même si, aujourd'hui, elle n'en représente qu'un peu moins de 1%. Mais le yuan (ou renminbi) a déjà supplanté le rouble russe et le baht thaïlandais (pourtant semi-convertible) et sa part dans les échanges progresse de 50 à 80% par an.

De nombreuses banques centrales détiennent des avoirs en renminbis. La Banque centrale de Chine a conclu des accords d'échange de devises (swap) avec 24 banques centrales étrangères, dont la Banque centrale européenne. Les deux institutions ont conclu en octobre dernier un accord de swap portant sur 45 milliards d'euros, l'un des plus importants de ce genre.

En outre, les dépôts en renminbis détenus hors de Chine continentale (Hong Kong, Singapour, Londres...) atteignent aujourd'hui environ 100 milliards de dollars et les volumes échangés chaque jour sur les marchés des changes fluctuent entre 5 et 8 milliards de dollars. La devise chinoise représente 8% des échanges commerciaux, légèrement devant l'euro (6,6%), selon les chiffres Swift. Même si le renminbi n'est pas convertible, il est possible aujourd'hui d'ouvrir un compte dans la devise chinoise à Taipei, Singapour ou Londres et d'y investir en renminbis.

À Hong Kong, le montant des obligations émises en renminbis - les « dim sum bonds » -a été multiplié par cinq en deux ans pour atteindre l'équivalent de 67 milliards de dollars. De plus en plus d'entreprises internationales et de banques émettent ou investissent dans des produits libellés en renminbis.

Pour autant, la route est encore longue pour que le renminbi soit considéré comme une véritable devise internationale, même si la taille de l'économie chinoise l'y autoriserait. Il manque une condition essentielle : le développement et la modernisation du marché financier chinois. Même si des progrès ont été accomplis, la Banque centrale de Chine continue de fixer les taux des crédits et des dépôts.

Londres, la plaque tournante des transactions

Il n'empêche, les places financières européennes entendent bien prendre leur part de l'internationalisation croissante de la devise chinoise. Et notamment Londres. Le chancelier de l'Échiquier, George Osborne, a annoncé en octobre 2013 que la City allait tout mettre en oeuvre pour devenir LE centre international de transactions en renminbis dans les toutes prochaines années. Et les résultats commencent à venir.

En décembre 2013, la Bank of China a vendu pour un total de 2,5 milliards de RMB (environ 400 millions de dollars) d'obligations à trois ans, la plus importante émission jamais réalisée à Londres, une opération gérée par HSBC, UBS et Bank of America. Plus de 40 % des investisseurs étaient européens et il s'agissait de la quatrième opération de ce genre à la City après une émission de 2 milliards de RMB par l'Industrial and Commercial Bank of China en novembre 2013.

La Grande-Bretagne et la Chine ont par ailleurs conclu un accord permettant un « trading » entre la livre sterling et le renminbi à Shanghai. Mais on s'agite aussi au Luxembourg, où, ces dernières années, toutes les grandes banques chinoises ou presque ont ouvert des sièges européens. Le 24 février prochain, Luxembourg for Finance, l'agence qui assure la promotion de la place financière du Grand-Duché, organise le Luxembourg Renminbi Forum.

Récemment, la province de Colombie britannique, au Canada, a émis sur le marché de Luxembourg des obligations à un an libellées en renminbis, levant l'équivalent de plus de 400 millions de dollars. La banque suédoise East Capital vient de lancer un fonds d'investissement en renminbis, coté à Luxembourg, pour investir sur les marchés de capitaux chinois.

Paris n'est pas en reste

Environ 10 % du commerce entre la France et la Chine est libellé en renminbis. La valeur des dépôts en monnaie chinoise sur la place de Paris est de l'ordre de 2 milliards d'euros, selon Paris Europlace. Et neuf entreprises françaises ont émis pour 10 milliards de RMB (environ 1,2 milliard d'euros) d'obligations « dim sum ».

La concurrence s'annonce donc rude entre les différentes places européennes pour s'adjuger une part croissante des transactions internationales de la devise chinoise.