Ce tabloïd anglais qui cherche à discréditer la Société Générale

Par Julien Beauvieux et Mathias Thépot  |   |  803  mots
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Rapidement supprimé du site Internet du journal britannique, un article de l'édition du dimanche du Daily Mail insinuait sans fondement que la banque française devait être secourue par l'Etat.

Le 8 août dernier, l'hebdomadaire britannique Mail on Sunday, apparenté au quotidien Daily Mail, lançait de l'huile sur le feu en annonçant que la Société Générale aurait besoin d'un plan de sauvetage. L'hebdomadaire, qui n'a pas cité de sources, a écrit que "le président Nicolas Sarkozy doit envisager la possibilité que la seconde banque du pays, la Société Générale, est proche du désastre après de lourdes pertes sur des lignes de crédit accordées à la Grèce".

Même si l'information a été démentie par la banque française, la rumeur aurait, selon plusieurs traders parisiens, participé à la chute vertigineuse en bourse de la banque de près de 15% mercredi.

La banque italienne UniCredit a également été citée dans l'article du Daily Mail, qui indiquait qu'UniCredit souffrait des mêmes maux que la Société Générale. La banque italienne a également démenti.

L'importance démesurée prise par cette rumeur montre à quel point les marchés financiers sont tendus en ce moment. D'autant que l'on peut s'interroger sur la finalité réelle du brûlot du Daily Mail.

Visiblement à court de sources de marché, le quotidien n'a ainsi réussi qu'à collecter des réactions gouvernementales anonymes, traditionnellement enclines à voir le mal partout dans la zone euro. "En Grande Bretagne, une source gouvernementale a jugé la situation des deux banques "périlleuse", un responsable officiel du Trésor s'étant pour sa part refusé à tout commentaire", écrit ainsi le journal. Et d'embrayer sur une ode à la sécurité financière offerte par les autorités britanniques en cas de catastrophe : "si l'une des deux banques sautait, les consommateurs britanniques dont les avoirs sont inférieurs à 85.000 livres seraient protégés par le Financial Services Compensation Scheme".

La démonstration de la supériorité du système financier britannique semblait en réalité au c?ur du projet de l'auteur de l'article. Deux paragraphes plus loin, on apprend que, bien que les gouvernements français et italien se tiennent prêts à secourir la Société Générale et UniCredit, "on estime ("it is thought" dans le texte) que les mécanismes que [la France et l'Italie] ont mis en place pour sauver les institutions financières sont moins développés que ceux de la Grande-Bretagne, qui a été la plus touchée par le 'credit crunch' de 2008 et a en conséquence développé des plans alternatifs plus complets".

Les arguments chiffrés développés dans l'article sont pour leur part déjà connu des marchés. Le journal s'est appuyé sur la forte exposition nette d'UniCredit à la dette italienne (47 milliards d'euros), qui est connue depuis le 15 juillet et la publication des résultats des "stress tests" bancaires par l'Autorité bancaire européenne. Concernant la Société Générale, les provisions de 395 millions d'euros à la dette grecque avaient été annoncées en grande pompe le 3 août dernier par la banque, soit cinq jours avant l'article du Mail on Sunday. Pas de quoi donc faire paniquer les marchés financiers, déjà bien au courant de la situation financière des deux banques.

Selon le Daily Mail, la BCE a enfin relevé que les banques européennes commencent à refuser de se prêter au jour le jour sur le marché interbancaire. Des tensions incontestables ont vu le jour, et les banques ont d'ailleurs emprunté mercredi 4,06 milliards d'euros au guichet de prêts marginal de la BCE, un record depuis trois mois. Mais dans le même temps, l'Euribor 3 mois, qui mesure le taux moyen auquel les banques se prêtent, a sensiblement dégonflé depuis que la BCE a annoncé jeudi dernier qu'elle lancerait le 9 août un prêt à 6 mois en quantité illimitée et à taux fixe. Une mesure d'accompagnement essentielle et diamétralement opposée à la tétanie totale dans laquelle se trouve actuellement la Banque d'Angleterre (BdA). Alors que la rigueur menace de plonger le Royaume-Uni dans un marasme économique majeur, et dont les émeutes actuelles pourrait bien être un des symptômes avant-coureur, Mervin King et les siens se sont bornés au silence jeudi dernier à l'occasion de leur comité de politique monétaire mensuel. Il faut dire qu'avec des taux directeurs à 0,5% et 200 milliards de livres de planche à billets au compteur, la BdA n'a plus beaucoup de munitions pour affronter une récession...

Sûrement conscient de ses errements, le Daily Mail a par la suite publié des excuses sur le site de la Société Générale "sans réserve" et a retiré l'article de son site Internet.

Mais cela n'a pas empêché le titre Société Générale de connaître une journée épique ce mercredi, lors de laquelle il a abandonné jusqu'à 22%.