Prêts toxiques : les banques devront mettre au pot

Par Mathias Thépot  |   |  585  mots
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La commission d'enquête parlementaire propose une structure unique pour renégocier les prêts risqués, dont le montant est evalué à 18,8 milliards d'euros.

Les banques qui ont vendu des crédits toxiques aux collectivités vont devoir assumer avoir pratiqué des politiques commerciales agressives, « souvent trompeuses ». Tel est le verdict de la commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. La commission demande aux banques de prendre en charge financièrement la partie toxique des crédits qu'elles ont vendus aux collectivités. Ce qui représente en réalité une petite partie des 18,8 milliards de stocks de prêts toxiques souscrits par les acteurs publics locaux. Si les banques s'y refusent, les membres de la commission n'hésiteront pas à utiliser l'outil législatif pour les contraindre.

Au total, la commission d'enquête a reçu 80 acteurs du financement du secteur public local entre le 8 juin et le 8 décembre 2011. Ce qui lui a permis de dresser « le panorama le plus précis qui ait été établi » sur le sujet, se félicite Claude Bartolone, créateur et président de la commission d'enquête, président du conseil général de Seine-Saint-Denis.

« Des fariboles »

À partir des données récoltées auprès des banques, la commission a fixé le montant des produits structurés à 32,125 milliards d'euros pour 10.688 contrats conclus par plus de 3.000 communes. Découverte surprenante, ce sont les petites communes les plus nombreuses à en avoir souscrits (1.595 auprès dla seule Dexia, leader historique du marché). Pourtant, « l'ancien patron de Dexia (Pierre Richard) nous avait donné l'assurance que les petites communes n'entraient que marginalement dans leur stratégie. On nous a raconté des fariboles », regrette Claude Bartolone.

Si la commission reconnaît la naïveté de certaines collectivités, elle pointe du doigt la démarche agressive adoptée par les banques, Dexia en premier, et le comportement « trop passif » de l'État.

Une fois les responsabilités attribuées, la commission a déterminé un certain nombre d'actions concrètes pour soulager les collectivités. Le rapporteur de la commission, Jean Pierre Gorges, souhaite dans un premier temps établir une liste noire de tous les produits toxiques. Une fois cette liste dressée, il propose de mettre en place une structure unique pour renégocier produit par produit les prêts risqués. « Cette démarche aurait plus de chance de succès qu'une multitude de procès engagés contre les banques », estime-t-il. « Il faut donc mettre tout le monde autour d'une table pour engager le processus de négociation avec les banques pour chaque gamme de produits », a-t-il ajouté.

Les collectivités seront libres d'accepter ou non de renégocier leurs prêts. Celles qui ne se portent pas volontaires devront en revanche assumer les conséquences si le taux de leurs emprunts s'envole par la suite. La commission souhaite également encadrer par la loi les modalités d'emprunt des collectivités. Certains produits structurés, volatils et imprévisibles, sont en effet incompatibles avec les principes budgétaires des collectivités locales qui doivent être à l'équilibre à la fin de chaque année. La commission souhaite donc interdire les produits « structurés ou dérivés avec multiplicateur », mais également mettre en place un plafond global pour tous les prêts aux acteurs publics locaux et obliger les collectivités à provisionner les risques de retournement « pour présenter des comptes sincères ». Enfin, Jean Pierre Gorges souhaite encourager le recours aux emprunts obligataires, en développant notamment une structure mutualiste de financement obligataire des collectivités territoriales, pour en donner l'accès aux plus petites.