Les banques américaines grignotent des parts de marché

Par Christine Lejoux  |   |  517  mots
Infographie La Tribune
Leurs rivales européennes étant contraintes de céder des actifs, les banques d'outre-Atlantique renforcent leur assise dans les domaines des prêts aux entreprises et du courtage.

Chacun son tour. Lors de la crise financière de 2008, déclenchée par la faillite de Lehman Brothers, les banques européennes avaient tiré parti des difficultés de leurs rivales d'outre-Atlantique pour grignoter des parts de marché. Aujourd'hui, c'est l'inverse. En pleine crise des dettes souveraines dans la zone euro, les banques américaines poussent leurs pions sur les marchés dont leurs concurrentes européennes sont obligées de se retirer, sous la pression des régulateurs et de la Bourse. Le 13 janvier, JPMorgan Chase a ainsi publié, au titre du quatrième trimestre, une envolée de 73% de ses crédits commerciaux, lesquels constituent pourtant un domaine de prédilection des banques européennes.

De la même façon, Morgan Stanley a vu son activité de courtage bondir de 40%, en 2011, alors que les revenus de trading des plus grandes banques européennes sont en chute libre, selon les analystes de Credit Suisse, qui citent les cas de BNP Paribas, d'UBS, de Barclays et de RBS (Royal Bank of Scotland). Cette dernière est précisément en train de se désengager de nombre de ses activités de banque d'investissement. "Nous commençons à voir des actifs vendus par des (banques) en difficulté", renchérit David Viniar, directeur financier de Goldman Sachs.

Si les banques européennes perdent du terrain par rapport à leurs concurrentes américaines, dans certains métiers, c'est en raison des réductions de la taille de leurs bilans mises en oeuvre pour accélérer leur mise en conformité avec la future réglementation Bâle 3, relative au renforcement de leurs fonds propres. Les banques européennes doivent trouver près de 115 milliards d'euros d'ici au 30 juin, afin d'afficher à cet horizon un ratio de fonds propres durs de 9 % au moins. Ainsi en a décidé l'Autorité bancaire européenne, le 26 octobre, afin de tenter d'enrayer la contagion de la crise de la dette.

Pour atteindre cet objectif sans procéder à des augmentations de capital à vil prix, qui seraient, de ce fait, très dilutives, les banques européennes sont contraintes de céder des actifs.

Projets à la baisse

Autre cause, même conséquence : la raréfaction de leurs ressources en dollars, liée à désaffection des fonds monétaires américains pour les banques européennes, oblige ces dernières à réduire la voilure dans le financement de projets (infrastructures de transport, complexes industriels, etc.), d'avions et de bateaux. Résultat, BNP Paribas, Crédit Agricole CIB et Société Générale CIB, qui trustaient respectivement les deuxième, sixième et septième places mondiales comme arrangeur principal dans le financement de projet, au 30 juin dernier, ont perdu entre deux et onze rangs, au second semestre.

Dans une étude publiée en décembre, le cabinet Deloitte estimait à 1.700 milliards d'euros la valeur des actifs non stratégiques des banques européennes. Une valeur qu'il devrait être relativement aisé de marchander, pour les banques américaines, leurs rivales européennes se payant 0,6 fois seulement leur actif net, en Bourse, selon les données de l'agence Bloomberg.