Cartes prépayées : un casse-tête pour la lutte anti-blanchiment

Par Mathias Thépot  |   |  488  mots
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Tracfin, le service de renseignement financier chargé du lutter contre le blanchiment d'argent en France, a traité 20% d'affaires de plus en 2011 qu'en 2010. La cellule reste attentive à l'émergence de nouveaux marchés, susceptibles de générer de nouveaux types de fraudes. Dernier en date : les cartes prépayées et rechargeables qui dans bien des cas sont utilisées de façon anonyme.

La lutte contre le blanchiment d'argent progresse. Lors de l'année 2011, Tracfin, le service de renseignement financier chargé du lutter contre le blanchiment en France, a traité 20% de déclarations de soupçons de plus qu'en 2010, soit 24 090 au total. Le nombre de dossiers transmis à l'autorité judiciaire a grimpé de 23 % par rapport à 2010, soit 495 informations.
La cellule créee en 1990 voit ses effectifs augmenter chaque année et attendre aujourd'hui 83 agents, ce qui lui permet il est vrai de traiter plus de demandes. Tracfin, qui dépend du ministère de l'économie, explique également cette croissance spectaculaire par la sensibilisation accrue des acteurs à son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La liste des professionnels qui y sont assujettis s'est en effet élargie depuis 20 ans.

180 000 professionnels peuvent contacter Tracfin


Initialement, seules les banques et les compagnies d'assurance avaient le droit d'informer Tracfin de leurs soupçons sur certaines transactions qu'ils avaient constatées dans le cadre de leur activité. Le secteur financier a depuis été notamment rejoint par le secteur de l'immobilier, les casinos, les marchés de biens de grandes valeurs, les établissements de paiement ou encore les agents sportifs. Aujourd'hui, plus de 180 000 professionnels ont la possibilité de contacter et d'être entendus par Tracfin.

Les banques sont les plus importants fournisseurs de "soupçons"  

Mais les banques restent à l'origine des trois quarts des déclarations de soupçon. Il faut dire qu'elles « ont mis en place depuis 22 ans des outils d'analyses beaucoup plus perfectionnés et qui font ressortir beaucoup plus d'informations », indique un haut fonctionnaire de Bercy. De plus, « le métier bancaire est par construction un métier de flux. Forcément, il y a donc plus matière à déclaration de la part d'une banque que de la part d'un notaire par exemple. Il y a une certaine logique que la profession bancaire soit dominante », ajoute-t-il

Le marché des cartes prépayées et rechargeables est scruté de près

Reste que les difficultés que rencontrent la cellule Tracfin résident toujours dans le temps de retard qu'elle a sur le délinquant financier. Les craintes de la cellule reposent ainsi aujourd'hui sur les marchés qui émergent, toujours plus difficile à appréhender, comme celui des nouveaux moyens de paiement.  Elle regarde notamment de près le marché des cartes rechargeables ou prépayées. Ces cartes sont pour certaines en vente chez les buralistes et peuvent être plafonnées jusqu'à 2500 euros. Le contrôle d'identité lors de l'attribution de ces cartes étant parfois approximatif, voire inexistant, il est alors facile d'y faire transiter de l'argent sale. En surveillant ce type de nouvelles pratiques, Tracfin tente d'éviter la mésaventure de fin 2008 et début 2009, qui avait vu le Trésor public perdre plus de 1,5 milliard d'euros à l'occasion de la fraude à la TVA sur le marché du CO2, un secteur alors inconnu des services de renseignements.