"Les banques ont pris conscience de l'importance de la lutte antiblanchiment"

Le rôle des banques a été décisif dans le gel des avoirs de dirigeants déchus notamment ceux du président tunisien Ben-Ali, comme l'explique ce spécialiste de la traque d'argent sale.
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Le gel des avoirs de Mouammar Kadhafi à l'étranger à partir de mars?2011 a contribué à fragiliser le régime libyen dont la chute est annoncée (lire p. 2). Or l'efficacité de ce dispositif a reposé sur les systèmes de protection et de contrôles des banques. Leur rôle a été décisif dans le blocage des actifs de certains dictateurs déchus, comme nous l'explique Tony Wicks, directeur des solutions anti-blanchiment d'argent chez Nice Actimize. Cet éditeur de logiciels de gestion des risques transactionnels et de détection des activités frauduleuses compte notamment BNP Paribas et Crédit Agricole comme clients.

En quoi le Printemps arabe a-t-il permis de tester la réactivité des systèmes de contrôle des banques ?

La décision de l'Union européenne de geler les avoirs du président tunisien déchu Zine el-Abidine Ben Ali a, par exemple, obligé les établissements financiers à identifier où étaient placés ses capitaux mais aussi les actifs détenus par sa femme et par l'ensemble du clan Trabelsi ainsi que ceux appartenant aux proches et aux enfants du dictateur. Or, même si cela reste une opération complexe d'identifier toutes ces ramifications, les systèmes de protection permettent aujourd'hui aux banques de les identifier et de les geler plus rapidement.

Pourquoi les établissements financiers ont-ils renforcé leurs dispositifs de détection des mouvements de capitaux suspects ?

Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué un tournant dans le sens où les États et les organisations internationales se sont rendus compte que le meilleur moyen de lutter contre le crime organisé était d'identifier ses ressources. Le Groupe d'action financière (GAFI), l'organisme intergouvernemental de référence sur la question du blanchiment d'argent, a ainsi publié en 2001 une série de neuf recommandations spéciales pour prévenir et combattre le financement du terrorisme. Le GAFI avait également recensé vingt pays ou territoires non coopératifs. Actualisée cette année, cette liste noire ne comporte plus aucun pays ce qui représente une preuve des efforts accomplis. En outre, les banques ont pris conscience de l'importance de la lutte contre le blanchiment d'argent.

Ne se souciaient-elles pas auparavant de cette question ?

Il y a dix ans, les banques considéraient encore ce sujet comme un fardeau et faisaient le minimum pour être en conformité avec la législation. Mais aujourd'hui, c'est devenu une fonction essentielle dans leur activité de surveillance et d'évaluation des risques. Les banques continuent d'ailleurs d'investir pour adapter leurs systèmes aux nouvelles méthodes de blanchiment qui ne se limitent plus au « schtroumpfage » (en anglais : « smurfing »).

Qu'est-ce que le « schtroumfage » ?

Cette méthode consiste à placer des petits montants, en général moins de 10.000 euros, sur des comptes séparés dans le but de ne pas être détecté par les banques. Elle peut être considérée comme la technique traditionnelle et la plus couramment utilisée pour blanchir d'importantes quantités d'argent sale. Mais désormais, les sommes que génèrent les activités criminelles et illégales sont de plus en plus placées sur des produits financiers. Cette méthode présente encore moins de risques d'être repérée du fait de l'importance des flux de capitaux dans le monde.

N'accuse-t-on pas aussi les cartes prépayées ?

Oui pour des montants plus modestes issus de la petite délinquance. Aux États-Unis, les cartes prépayées sont un moyen sûr, rapide et flexible de blanchir de l'argent. En Europe, le billet de 500 euros s'est aussi imposé comme support idéal pour cette activité ce qui explique qu'il soit souvent refusé par les commerçants.

Que représente aujourd'hui le blanchiment d'argent ?

Même si c'est une estimation grossière, le volume agrégé du blanchiment de capitaux dans le monde représente entre 2 et 5 % du produit intérieur brut mondial selon le Fonds monétaire international (FMI), soit de 590 à 1. 500 milliards de dollars.

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Commentaires 6
à écrit le 09/03/2012 à 10:41
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Maintenant que tout le monde parle de leur travers, ils prennent conscience de leur actes comme c'est touchant

à écrit le 08/03/2012 à 15:53
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Pourquoi les banques se priveraient d'un quart de leurs ressources financières ?

à écrit le 24/08/2011 à 9:21
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peu!! les banques ne font pas grand chose. On a eu l'exemple d'un petit poisson venant nous ouvrir un compte avec de faux papiers (facture, fiche de paie, passeport) tout était faux et à part lui refuser l'ouverture, aucune sanction. Les gens honnete...

à écrit le 23/08/2011 à 8:11
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Amusant, les banques s?intéressent au blanchiment effectué par leurs clients, par contre au niveau des chambres de compensation internationales, j'aimerai pouvoir être persuadé qu'il en est de même.

le 23/08/2011 à 9:40
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Justement, plus les sommes sont élevées, plus les banques sont attentives.

le 23/08/2011 à 9:41
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Quant aux clients ils ne faut pas croire qu'ils sont tous blancs comme neige, loin de la, les fraudes sont de plus en plus nombreuses, cavalerie, fausses identitées...

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