L'épargne reste solide...et mal adaptée aux besoins des banques

Par Mathias Thépot  |   |  649  mots
Copyright Reuters
L'épargne bancaire est en plein boom. Mais son plébiscite au détriment des produits d'épargne de long terme peut nuire aux financements de projets de longues durées.

L'épargne bancaire se porte bien. Elle représente aujourd'hui 30% des quelques 3 300 milliards d'euros d'encours d'épargne financière des ménages français. Selon les chiffres de la Banque de France, les banques françaises ont collecté un peu plus de 90 milliards d'euros de dépôts supplémentaires en 2011, soit une hausse de plus de 9% par rapport à 2010.
« L'épargne bancaire n'a jamais été aussi élevée », indiquait mardi matin Bertrand Corbeau, directeur général de la Fédération nationale du Crédit Agricole, lors des 21ème rencontres parlementaires sur l'épargne et la fiscalité.
La future réglementation bancaire de Bâle 3 semble y être pour beaucoup. Elle contraint en effet les banques à capter les dépôts pouvant être comptabilisés dans leur bilan. Le comité de Bâle leur demande ainsi à partir de 2015 de couvrir les crédits par davantage de ressources. Du coup, si elles veulent respecter ces futurs ratios, deux solutions se présentent aux banques : avec des niveaux de crédits constants, elles devront collecter plus de dépôts ; avec des niveaux d'épargne constants, elles devront accorder moins de crédits.

Les ménages français plébiscitent les livrets d'épargne

A la fin 2011, le ratio emplois-ressources des cinq plus grandes banques françaises tournait autour de 1,25. Pour atteindre l'objectif de l'unité demandé par le comité de Bâle, les banques ont donc encore du chemin à parcourir. Mais la chasse aux dépôts des banques en vue de Bâle 3 n'est pas la seule raison à la croissance de l'épargne bancaire.
En période de crise, les ménages français sont en effet demandeurs de produits d'épargne sûrs, liquides et dont la fiscalité est stable. « Aujourd'hui, la structure des flux d'épargne est dynamique et caractérisée par l'épargne de précaution, révélatrice du comportement des ménages. Le Livret A est ainsi totalement plébiscité, les comptes sur livrets bancaires également, alors que l'assurance vie subit une période difficile et que les investissements en actions par l'intermédiaire des OPCVM plongent de manière considérable », estime Philippe Wahl, le président du directoire de la Banque Postale.

Au détriment du financement des projets de long terme

Le plébiscite de ces produits très liquides nuit automatiquement aux financements de projets de long terme. Les ratios de liquidité de Bâle 3 demandent en effet de trouver des ressources sur des durées quasiment équivalentes aux financements accordés. De plus, les marchés financiers ayant été grippés en 2011, difficile pour les banques d'exercer au mieux leur métier de base : la transformation. «La France possède une épargne puissante mais dont la structure ne convient pas aux objectifs macroéconomiques », déplore Philippe Wahl.
La situation est d'autant plus paradoxale que les épargnants n'ont pas pour philosophie d'épargner à court terme. Pour Philippe Wahl, « il y a quatre motifs très puissants et stables qui poussent les ménages français à épargner : l'accès à la propriété, le financement des études des enfants, la constitution d'un complément à sa retraite et l'anticipation d'une situation de dépendance, la vie allant en s'allongeant ». Soit uniquement des motifs de longues durées...

Un nouveau produit d'épargne bancaire long

Pourquoi alors ne pas remettre au goût du jour un produit d'épargne bancaire de long terme qui pourrait faire converger les intérêts des uns et des autres. Les banquiers y songent : « Il faut développer le passif bancaire. Nous avons besoin d'un produit d'épargne bancaire relativement long. Il y en avait un : Le Plan d'épargne populaire (PEP) bancaire, qui avait été retiré (en 2003) pour des raisons obscures», estime Pierre de Lauzun, directeur général de la fédération bancaire française. L'année 2012 pourrait donc raviver quelques vieux souvenirs...