Les banques françaises menacées d'une "décote Hollande" ?

Par Christine Lejoux  |   |  786  mots
Le programme du candidat socialiste n'épargne pas le secteur bancaire. Copyright Reuters
Les analystes financiers tentent de chiffrer l'impact négatif des propositions du candidat socialiste pour le secteur bancaire.

Présidentielles ou législatives, françaises ou étrangères, les élections sont traditionnellement du pain bénit pour les analystes financiers. Elles leur offrent la possibilité de vendre de nouvelles idées d?investissement à leur clientèle de gérants de portefeuilles, sur la base des programmes des différents candidats. La présidentielle française de 2012 n?échappe pas à la règle. Les analystes de Credit Suisse viennent de publier une étude s'efforçant de chiffrer les conséquences, pour les banques, d?une victoire de François Hollande. Le candidat socialiste, qui, selon un sondage CSA publié le 28 mars, remporterait la présidentielle avec 53% des voix, avait déclaré en janvier que son véritable ennemi était, non pas Nicolas Sarkozy, mais « la finance sans visage. »

Jusqu?à 10% de baisse des bénéfices

De fait, le programme de François Hollande n?épargne pas le secteur bancaire. En plus du passage de 33% à 35% du taux d?impôt sur les sociétés pour les grands groupes, François Hollande est favorable à une taxe de 15% sur les bénéfices des banques. Il plaide également pour une séparation des activités de banque de détail et de banque d?investissement. Deux mesures principales qui, ajoutées au renforcement de l?encadrement des bonus et surtout, selon Crédit Suisse, au doublement du plafond du Livret A, pourraient réduire jusqu?à 10% les résultats des banques françaises. En fait, l'augmentation du plafond du livret A va obliger les banques à se refinancer plus sur les marchés, ce qui engendrera pour elles un coût supplémentaire. En janvier, le cabinet SIA Conseil l'avait chiffré entre 100 et 324 millions d'euros.

Une plus forte taxation des profits

La banque helvétique estime notamment que le relèvement de l?imposition réduirait de 729 millions d?euros le bénéfice annuel de BNP Paribas en France, sur la base des résultats 2011. Le bénéfice de la Société générale dans l'Hexagone serait élagué de 398 millions d?euros, et ceux du Crédit Agricole et de Natixis seraient respectivement entaillés de 436 millions et de 155 millions. Cette mesure aurait donc un impact négatif de 10% à 16% sur les comptes des banques françaises, en fonction de leur exposition au marché hexagonal. Reste que les estimations diffèrent sensiblement d?une équipe d?analystes à une autre, suivant leur interprétation des propositions formulées par le candidat socialiste. Celle de Bank of America juge que, dans le pire des cas, la plus forte taxation des banques diminuera de 7% « seulement » leurs résultats. Si Bank of America parvient à cette conclusion, c?est parce qu?elle s?est basée sur un taux d?imposition de 50%, et non de 40%, contrairement à Credit Suisse.

Un « Glass Steagall-Act » à la française

Les conséquences financières d?une séparation de la banque de détail de la banque d?investissement semblent autrement plus difficiles à évaluer. Pour ce faire, Credit Suisse s?est basé sur le coût de 200 millions d?euros évoqué en 2004, lorsque le Crédit Agricole, qui venait de racheter le Crédit Lyonnais, avait songé à filialiser les activités d?investissement du nouvel ensemble? Ce coût de 200 millions, Credit Suisse l?applique à BNP Paribas, à la Générale et à la banque verte, mais le réduit à 150 millions dans le cas de Natixis, du fait de sa plus petite taille. Et estime ainsi entre 2% et 10% l?impact négatif d?une « Vickers rule » française sur les résultats des quatre banques. Mais, là encore, tout dépend des hypothèses retenues par les analystes. Ceux de Citi ont pris comme postulat de départ une séparation totale des activités de détail de celles de financement, et non une simple filialisation de ces dernières. Leur conclusion est donc bien plus sévère : ils estiment qu?un « Glass Steagall Act » réduirait de 11% à 13% les bénéfices 2013 de BNP Paribas et de la Société générale.

Beaucoup de rhétorique

Mais rien ne dit que ces sombres scénarios se concrétiseront, une campagne électorale étant faite de beaucoup de rhétorique. De plus, plomber les résultats des banques réduirait encore leur capacité à financer une économie française qui va cahin-caha. Pas sûr, donc, que François Hollande, s?il remporte la présidentielle, joigne totalement les actes à la parole sur le sujet des banques. Les investisseurs ne s?y trompent pas, qui n?affublent pas les banques d?une « décote Hollande » : celles-ci affichent en Bourse des bonds de 8% à 47% depuis le début de l?année, alors que l?indice CAC 40 progresse de 7% seulement.