Deux suicides qui inquiètent Groupama

Par Laura Fort  |   |  868  mots
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Deux employés de l'assureur se sont donnés la mort en moins d'une semaine. Des drames qui interviennent dans une entreprise en crise où les conditions de travail se sont dégradées au cours des derniers mois selon les organisations syndicales.

Deux salariés de Groupama se sont donnés la mort en l'espace de quelques jours. Le 3 avril, un responsable commercial s'est pendu dans son agence située à Mende, laissant un message expliquant ses difficultés professionnelles et la pression exercée sur lui selon le Midi Libre. La CFDT invite à la prudence : "ce sont toujours des événements individuels dramatiques qui méritent de faire la part des choses pour savoir si ces drames relèvent ou non de la situation professionnelle. Mais la réaction émotionnelle est très forte, surtout quand le drame se passe sur le lieu de travail".
Selon l'Argus de l'assurance, un autre suicide avait eu lieu quelques jours auparavant, le 28 mars, à Blois. Un responsable commercial de cette caisse régionale de Groupama Paris-Val de Loire s'est pendu entre deux déplacements. La direction confirme ces deux drames et se dit "très choquée et attristée de ce qui s'est passé".

Un bilan des risques psycho-sociaux

Sans attendre, la direction de Groupama a engagé plusieurs actions, dont la mise en place d'une cellule de soutien psychologique pour les collègues et les familles touchés par ces drames. Elle a également diligenté un bilan des risques psycho-sociaux et nommera sous peu un expert de la prévention de ces risques.
Plusieurs enquêtes sur les conditions de travail avaient été réalisées au sein du groupe ces dernières années. Mais constater la souffrance au travail est une chose, y remédier une autre...
La direction de Groupama a donc pris l'initiative de former ses managers de proximité à la prévention des risques psycho-sociaux et à la détection des signaux pathologiques ou médicaux chez leurs employés. "Professionnellement, ces deux personnes n'étaient pas en difficulté, elles étaient même bien notées. Les signes pathologiques avant-coureurs d'un suicide n'ont pas su être détectés", précise la direction.

Des conditions de travail dégradées

Les représentants du personnel alertaient pourtant le groupe depuis plusieurs années sur la dégradation des conditions de travail. Une enquête avait été menée par la CGT sur les conditions de travail dans la caisse régionale Paris-Val de Loire en 2010. A la question "comment considérez-vous aujourd'hui vos conditions de travail ?", 39% des salariés répondent "moyennes", 31% "dégradées", 23% "mauvaises" et 7% "bonnes".
Parmi les principaux motifs d'insatisfaction, la lourdeur des procédures, le manque de reconnaissance, les exigences commerciales et la pression hiérarchique arrivent en tête des réponses.
Dans la partie dédiée aux commentaire libres, l'enquête relève : "on nous enfonce la tête sous l'eau pour mieux nous noyer et nous diviser", "trop de reporting, de point bilan, de réunions, de pressions, sans aide ni considération", ou encore "trop de mails, d'ordres et/ou de contre-ordres, d'infos descendantes, de consignes à effet immédiat et de demandes à satisfaire dans la minute... le tout sans considération des difficultés, ni temps, ni soutien".

Des points d'alerte

La CGT conclut l'enquête en affirmant : "tous les points d'alertes qui caractérisent, selon les spécialistes, la notion de souffrance au travail, sont clairement visibles sur les résultats de cette enquête". Avant d'ajouter : "il est question d'urgence sociale, avant que certains salariés de Groupama Paris Val de Loire, à l'image de ce que nous déplorons dans d'autres entreprises, retournent contre eux-mêmes la violence qu'ils, ou elles, considèrent leur être faite"...
Quant à la caisse de Groupama d'Oc, une grève des commerciaux a eu lieu en janvier 2012, justement pour dénoncer la dégradation des conditions de travail.
La CFDT confie que "les conditions de travails se sont tendues, dégradées, dans toutes les entités du groupe. Les cadences de travail s'accroissent, on demande toujours plus de productivité individuelle. Et dans la période difficile que traverse actuellement le groupe, cela en rajoute une couche".

Des regroupements de caisses

En province, les salariés ont dû s'adapter ces dernières années à des regroupements de caisses régionales, qui sont passées du nombre de 18 à 9 entre 2001 et 2011. Lors des dernières fusions de caisses, les syndicats s'inquiétaient de la dégradation du climat social et de la difficulté de certains salariés à accepter des reclassements. Mais la CFDT reconnaît que "les caisses régionales sont des entités qui rassemblent entre 1500 et 2000 collaborateurs. Dans un groupe de cette taille, aucun syndicaliste et aucun dirigeant ne peut jurer qu'il ne s'exposera jamais à un tel drame".

Un accord sur la qualité de vie

Au niveau national, Groupama avait signé un accord-cadre sur la qualité de vie au travail en février 2011. Pendant les négociations de cet accord, en août 2010, la CFTC avait tiré la sonnette d'alarme : "ce que vivent nos collègues dans des entreprises comme France Telecom ou La Poste ne doit pas être pris à la légère. Nulle entreprise, même Groupama, ne doit se croire à l'abri des tensions générées par la pression croissante...". La commission dialogue social du groupe se réunira dans les prochains jours pour faire le bilan de cet accord.