Frédéric Oudéa toujours perplexe sur la séparation banque de détail / activités de marché

Par Laura Fort  |   |  634  mots
Frédéric Oudéa, Pdg de Société Générale. Copyright Reuters
Le PDG de Société Générale reste peu convaincu de l'utilité d'une séparation des activités de banque de détail et de marché, que François Hollande souhaiterait mettre en œuvre s'il était élu. Frédéric Oudéa pointe aussi du doigt les difficultés concrètes qu'une telle mesure représenterait.

Lors de la conférence téléphonique sur les résultats du premier trimestre, Frédéric Oudéa, PDG de Société Générale et président de la Fédération bancaire française, s'est attardé sur la question de la séparation des activités de banques de détail des activités de marché. Un projet que souhaite mener à bien François Hollande s'il est élu président : "Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi, de leurs opérations spéculatives", est-il écrit dans son programme.

Pas de Glass Steagall-Act

Interrogé sur ce sujet, Frédéric Oudéa a d'abord précisé : "Je ne spécule pas sur le résultat de l'élection. Je pense personnellement que quel que soit le résultat, la réalité va s'imposer". Avant d'affirmer : "Je constate que personne ne propose de revenir à un Glass-Steagall Act". Au lendemain de la crise de 1929, celui-ci a en effet instauré aux Etats-Unis le principe de séparation des métiers de banque de dépôt et d'investissement en 1933. Allègrement contournée à partir des années 1970, elle a finalement été abrogée en 1999.
Après la crise de 2008, les Etats-Unis récidivent et adoptent le "Dodd-Frank Wall Street Reform Act" en juillet 2010, auquel est intégrée la "Volcker Rule", qui prévoit une limitation des activités de trading pour compte propre. Depuis, elle a été largement amendée, et soumise à tellement de décrets d'application que nombreux sont ceux qui l'estiment inefficace et trop complexe à mettre en oeuvre.
C'est pourtant ce schéma qui se rapprocherait le plus de ce que les banques françaises accepteraient d'appliquer. "Les banques françaises sont prêtes à ce qu'une réglementation européenne s'inspire de la règle Volcker. L'enjeu est de continuer à avoir une banque de détail solide mais aussi des activités de banque de financement et d'investissement performantes car, paradoxalement, la nouvelle réglementation bâloise va imposer le développement du financement des économies européennes par le marché", expliquait Frédéric Oudéa au Figaro le 3 avril.

L'obstacle de l'organisation mutualiste

Ce dernier a ensuite cité l'exemple de la règle Vickers au Royaume-Uni, selon lui une bonne idée sur le fond mais complexe à mettre en ?uvre en France : "le schéma britannique consiste à filialiser les activités de banque de détail et à laisser les activités de marché dans la maison mère. Or cela pose concrètement la question de l'organisation du secteur bancaire français. Une grande partie des établissements sont mutualistes et ce sont les caisses régionales qui portent les activités de banques de détail. Alors qu'est-ce que cela veut dire en pratique ?".
Par ailleurs, François Pérol, président du directoire de BPCE, invoquait l'inefficacité d'une séparation stricte des activités dans le but de réduire les risques (lire La Tribune du 13 avril) : "Ce n'est pas parce que vous aurez séparé, cloisonné les activités, que vous éviterez le risque de faillite. D'ailleurs, les banques britanniques Northern Rock et Bradford & Bingley, qui ont fait faillite pendant la crise de 2008, étaient uniquement des banques de détail. Quant à Lehman Brothers, elle était exclusivement une banque de financement et d'investissement."
Le PDG de Société Générale s'est finalement interrogé sur la nécessité de réformer plus avant le secteur bancaire, compte tenu de la réforme Bâle 3 en cours, elle-même chargée de renforcer les fonds propres des banques, leurs liquidités et leur supervision : "au niveau européen - car cette initiative n'a de sens qu'au niveau européen - faut-il aller au-delà de Bâle 3 ? Je n'en suis pas convaincu".