L'Espagne veut sortir l'immobilier du bilan des banques

Par Gaëlle Lucas, à Madrid.  |   |  590  mots
Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol. AFP.
Le Gouvernement de Mariano Rajoy cherche à clore le problème de l'exposition immobilière du secteur financer espagnol. Plutôt que de constituer une "bad bank", il étudie la création de sociétés de liquidation qui reprendraient les actifs immobiliers toxiques des banques.

Pressé par el FMI et la BCE de régler au plus vite le problème de son secteur financier, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy travaille à la seconde phase de la réforme financière. Il s'agit de ségréguer les actifs immobiliers problématiques des bilans bancaires afin de regagner la confiance des marchés, inquiets par l'exposition immobilière des banques espagnoles. Celle-ci s'élève à 368 milliards d'euros, dont 184 milliards d'actifs problématiques. Certaines entités sont particulièrement concernées. C'est le cas de la matrice de Bankia, BFA, qui a annoncé vendredi 4 mai une exposition au secteur de 37 milliards d'euros, dont 17,9 milliards sont des créances douteuses ou « sub-standard ».

 Un assainissement de 53 milliards d'euros

La régulation actuelle, en place depuis févier, impose de fortes provisions sur les actifs immobiliers aux mains des banques, concrètement de 80% des terrains, 65% des promotions en cours et 35% des logements terminés. Le but est de forcer la reconnaissance de la perte de valeur des biens immobiliers par les banques et de les pousser à les mettre en vente aux prix du marché, permettant ainsi de faire d'une pierre deux coups : assainir les bilans et relancer le marché immobilier. L'assainissement total doit atteindre 53 milliards d'euros.

Créer des sociétés de liquidation des actifs toxiques plutôt qu'une "bad bank"

Toutefois, la recrudescence des tensions sur les marchés a incité le gouvernement à plancher sur la création de sociétés de liquidation qui acquérraient les actifs immobiliers problématiques déjà provisionnés des banques pour les revendre sur le marché. Les établissements financiers vendraient ces actifs à la société de liquidation en assumant une perte équivalente à la provision. "Un autre scénario possible est, par exemple, dans le cas d'un terrain, le vendre pour 10% de son prix initial, et donc d'assumer une perte de 10% en sus des 80% provisionnés", explique-t-on au Ministère de l'Economie. Son responsable, Luis de Guindos, a annoncé que le détail de la réforme sera connu « d'ici quelques jours ou semaines ». Néanmoins on sait déjà que la société ne sera pas à proprement parler une " bad bank" puisqu'elle ne rendra aucun service financier et ne disposera pas d'une fiche bancaire. Par ailleurs, la participation à ce système sera volontaire, et chaque banque intéressée créera sa propre société de liquidation. Voilà de quoi rassurer BBVA et Santander qui ont exprimé leur opposition à la création d'un véhicule concernent tout le secteur.

 Un objectif : regagner la confiance des marchés

« Si les banques peuvent dévier leurs actifs immobiliers, ce sera un réel soulagement pour leur bilan et elles pourront recommencer à financer l'économie réelle », estime Soledad Pellón, analyste chez IG Markets. « Par ailleurs, la diminution de l'exposition immobilière pourrait restaurer la confiance dans les banques espagnoles et faciliter leur financement sur les marchés », ajoute-t-elle.

Reste à savoir qui sera à la tête des sociétés de liquidation. Le Gouvernement qui évoque une « gestion indépendante » de ces véhicules, écarte toute participation publique. « Il faudrait que cela se fasse avec l'aide du mécanisme de stabilité européen car si c'est l'Etat qui s'en charge, le problème sera juste déplacé des banques à l'Etat », estime Pellón. Le Gouverneur de la BCE, Mario Draghi, a estimé quant à lui jeudi 3 mai que « ces mécanismes peuvent être utiles mais ne peuvent pas remplacer la consolidation fiscale et les réformes comme moyen de retrouver la stabilité ».