Les hedge funds, ou le blues de la finance sans visage

Par Christine Lejoux  |   |  691  mots
Les hedge funds ont collecté 20 milliards de dollars, au premier semestre 2012. Copyright Reuters (Crédits : <small>Reuters</small>)
Les fonds d'investissement spéculatifs, jugés en partie responsables de la crise financière de 2008, voient leurs performances mises à mal par la volatilité des marchés. Certains sont contraints de rendre de l'argent à leurs actionnaires.

Louis Bacon a dû mettre son orgueil dans sa poche. Le célèbre gérant de « hedge funds » (fonds spéculatifs), contemporain du non moins fameux George Soros, vient d'écrire aux actionnaires de son fonds Moore Global Investment Fund qu'il allait leur rembourser deux milliards de dollars. Un montant qui ne représente pas moins d'un quart des actifs gérés par Moore Global Investment Fund. A l'origine de cette largesse : la « décevante » performance de 0,35% enregistrée par le fonds, au premier semestre, écrit Louis Bacon. « Je préfère réduire la taille du fonds, afin de servir aux actionnaires un rendement en adéquation avec les frais de gestion qu'ils paient », poursuit le financier.

Un rendement de -4,8% en 2011

Les déconvenues de Moore Global Investment Fund ne sont pas un cas isolé. Oubliées, les heures de gloire des hedge funds, cette « finance sans visage », comme dirait François Hollande, qui amasse des milliards en spéculant à tout va sur les marchés ! En 2011, les hedge funds - censés offrir aux investisseurs institutionnels des performances décorrélées de la Bourse - ont généré un rendement de -4,8%, à l'échelle mondiale, selon Hedge Fund Research (HFR). Soit un repli supérieur à celui de l'indice actions MSCI Monde. Depuis 1990, l'industrie des fonds spéculatifs n'avait connu que deux années de rendements négatifs.

Une volatilité extrême

Si les performances des hedge funds sont mises à mal, c'est en raison de la crise de la dette dans la zone euro et, plus précisément, de la très forte volatilité des marchés, qui déjoue les paris pris par ces fonds sur l'évolution des actions, des obligations, etc. Ainsi, autant John Paulson, l'une des stars du secteur, avait parfaitement anticipé la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains risqués), en 2007, autant il a été pris de court par la crise de la zone euro. Son fonds Advantage Plus aurait perdu 18%, au premier semestre, selon l'agence Reuters.

Une performance inférieure à celle des actions et des obligations

L'année 2012 a mieux démarré pour le secteur, avec un rendement de 2,88% au 7 août, selon les données de HFR. Mais cette performance est bien pâle, au regard de celles des marchés actions et obligataires. Les fonds français et étrangers commercialisés en France et investis en actions gagnent près de 12%, depuis le début de l'année, d'après les statistiques du cabinet « EuroPerformance-a Six Company. » Et ceux placés en obligations affichent une progression de 8% depuis janvier.

Décollecte pour les plus petits fonds

Voilà qui ne va pas réconcilier les investisseurs avec les hedge funds, soupçonnés d'être en partie responsables de la crise financière de 2008, avec leurs spéculations à la baisse sur les marchés. D'ailleurs, les fonds de pension, assureurs et autres investisseurs ont alloué 20 milliards de dollars seulement aux hedge funds, au premier semestre, selon HFR. Un montant qui représente moins du tiers de la collecte (nette des retraits) des six premiers mois de 2011.

Et seuls les plus gros hedge funds en bénéficient : au deuxième trimestre, les fonds gérant plus de 5 milliards de dollars d'actifs ont affiché une collecte nette de 11 milliards de dollars, au total, alors que ceux disposant de moins de 5 milliards de dollars d'actifs sous gestion ont subi une décollecte nette de 6,9 milliards.

Accélération de la concentration

Les plus petits hedge funds vont donc éprouver des difficultés croissantes à survivre au sein de ce secteur très concurrentiel. De fait, la concentration du secteur s'est accélérée, ces derniers mois. En mai, Man, l'un des plus grands gérants de hedge funds dans le monde, a racheté le britannique Financial Risk Management, spécialisé dans la gestion de fonds spéculatifs. Trois semaines plus tôt, c'est Rothschild & Cie qui s'était emparé du français HDF Finance. Une opération précédée par le rapprochement entre le français Olympia et l'Américain Kenmar, en avril.