Les banques sont-elles des boucs émissaires (trop) faciles ?

Par Laura Fort  |   |  630  mots
Le mouvement des Occupy Wall Street, Copyright Reuters
Une émission diffusée sur France 3 a posé cette question et alterné débats et reportages sur le sujet de la perte de confiance des consommateurs dans le système bancaire. Bouc émissaire facile, tout était bon hier soir pour taper sur les banques. Mais la méthode est-elle vraiment efficace?

Les banquiers ont-ils abdiqué leur rôle sociétal au bénéfice d'une course au profit? Sont-ils devenus des vendeurs de tapis, qui remplissent les objectifs de commercialisation de produits, lesquels augmentent chaque année? "Les banques vont-elles nous ruiner?", tel était le sujet de l'émission Le Monde d'après, diffusée lundi 8 octobre sur France 3. Une émission réalisée dans le sillage des séries Noire Finance d'Arte ou encore des enquêtes de Cash Investigation de France 2.

Une finance désincarnée

Dans les reportages de la première partie de soirée, tout y passe: les frais bancaires, les scandales financiers, l'assurance vie en unités de compte, le coup de gueule d'Eric Cantona, les extraits de l'audience des dirigeants de Goldman Sachs devant la justice, la pyramide de Ponzi, la crise grecque...
Alors les banques sont-elles victimes, laxistes, irresponsables, tricheuses, menteuses, voire criminelles? L'émission a invité ses intervenants sur un plateau froid, gris, dépouillé, incarnant une finance impersonnelle et rigide.
Seul banquier venu s'exprimer pendant l'émission, Frédéric Oudéa, PDG de Société Générale, a priori bouc émissaire facile, a néanmoins fourbi ses armes: "Ce reportage est caricatural, il ne reflète pas la réalité du terrain, c'est-à-dire 4 Français sur 5 qui ont gardé la confiance avec leur banque. La confiance dans sa banque et dans son conseiller n'a cessé de progresser. La confiance dans les institutions, dans le système bancaire, est effectivement plus faible".
Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch, s'insurge: "Les banques ne sont pas qu'un bouc émissaire. Il y a un système de rétrocessions occultes". Ce dernier dénonce aussi la mauvaise volonté des banques à être davantage transparentes dans leurs pratiques.

Les limites du "bankers bashing"

Avec humour la chroniqueuse Caroline Vigneaux, explique quant à elle comment, dans la pratique, on ne peut se passer des banques ou vivre "SDF, sans domiciliation financière".
A ses détracteurs, le PDG de Société Générale répond: "Il y a des fraudes comme Madoff. Les banques ne sont pas des victimes, les victimes sont les épargnants. Vous ne pouvez pas dire que le problème de la Grèce vient de Goldman Sachs. Il faut quand même expliquer aux concitoyens ce qui se passe en Europe. Il y a eu des excès, il y a eu des dérives dans les marchés. Il doit y avoir plus de régulation, et des sanctions appropriées. Attention à ne pas tout mélanger, à ne pas dire que tous les problèmes que nous avons sont des problèmes de banque. Parce qu'à un mauvais diagnostic il y aura des mauvais remèdes. Vous ne pouvez pas condamner comme ça des banques entières qui font leur boulot depuis 150 ans, en disant que les banquiers doivent tous aller en prison!"
Ancien trader, Henry Quinson, aujourd'hui moine et essayiste, met en garde: "Il y a quand même un paradoxe. La société française est aussi endettée qu'à la veille de la Révolution française. C'est facile de dire qu'on n'aime pas les banquiers et en même temps de profiter de leurs services." Il faudra attendre la sortie de plateau de Frédéric Oudéa, PDG de Société Générale, et 1h30 d?émission pour que Franz-Olivier Giesbert concède : "les hommes politiques se servent des banques comme boucs émissaires".
Le "bankers bashing" a également ses limites: à trop taper sur les banquiers, ils finiront par se poser en victimes. Et à être trop réducteur, on en est contre-productif. Mais peut-on vraiment faire de l'audience avec un sujet sur la finance qui ne serait pas racoleur et provocant?