En l'an 2025, ma banque, ce sera ça...

Par Laura Fort  |   |  1887  mots
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Plus de cash, plus de carte bancaire, plus d'agence physique, plus de contrats signés à la main... Plongée dans le quotidien d'un client bancaire en 2025, avec les révolutions technologiques en cours.

Ceci est un article de science-fiction. Quoique... Certaines avancées, même encore marginales, augurent d'évolutions structurantes dans l'usage de la banque, qui pourraient conduire demain, ou après-demain, à une banque sans monnaie et sans carte bancaire...
Envoyer le SMS "unhappy" (mécontent) à sa banque et se faire rappeler sur le champ plutôt que de se rendre dans son agence le poing levé, tout faire avec son téléphone portable, des opérations courantes (virements, consultations de soldes...) au paiement de sa baguette de pain en passant par le virement de téléphone à téléphone, ou encore utiliser le son de sa voix à la place de sa plus belle plume pour souscrire un nouveau produit...
Plongée au c?ur de la banque du futur.

Paiements : exit la carte bancaire
Nous sommes en 2025. Je n'ai plus de porte-monnaie, j'ai un wallet. Mon porte-monnaie, c'est mon téléphone. Google avait bien eu l'idée de lancer ce service en 2012, mais il n'est jamais bon d'avoir raison trop tôt. Et finalement, faute d'avoir pu développer un cadre assez sécurisant, Google s'est fait coiffé au poteau par les banques.
Ce matin, j'ai payé ma baguette de pain, mon pressing et mon McDo' avec mon téléphone. Le paiement sans contact par téléphone mobile a enfin été déployé, non sans peine. La technologie a été difficile à maîtriser, les dispositifs anti-fraude complexes à mettre en place. Surtout, les opérateurs de téléphonie ont mis du temps à intégrer la technologie NFC ("Near Field Comunication") aux mobiles. Il faut dire que le flop des puces adhésives à coller sur le téléphone ou la carte bancaire ne les avait pas encouragés à accélérer le mouvement.

"Quand tous les mécanismes en jeu autour du paiement mobile NFC seront stabilisés, cela devrait se développer très vite", expliquait Marie Cheval, directrice Global Transaction and Payment Services chez Société Générale, en 2012. C'est le cas. Si bien que mon banquier m'a proposé de ne pas renouveler ma carte bancaire en 2018. Et de toute façon, aujourd'hui, les commerçants n'ont plus de terminaux pour carte bancaire et les derniers irréductibles doivent utiliser l'outil Square, un mini lecteur de carte bancaire, qui se clipse sur le téléphone.

Même mes factures, je les paie avec mon téléphone. Je les reçois par email et je n'ai qu'à cliquer dessus pour les payer en ligne. Comme quoi, les initiatives de la banque OCBC à Singapour et de la Danske Bank en la matière avaient de l'avenir ! Par contre, les chèques ont la vie dure. Heureusement, plus besoin de les envoyer par courrier ou de les mettre dans la boîte aux lettres de l'agence : je les photographie et je les envoie par mail à ma banque.

Hier, comme il avait mon numéro de portable, mon collègue de travail a pu m'avancer de l'argent pour déjeuner. La banque espagnole BBVA n'existe plus, mais c'est pourtant sa solution de transfert d'argent en P2P (peer to peer) que tout le monde utilise aujourd'hui : il suffit de saisir le numéro de portable du destinataire, de sélectionner le compte à débiter et le montant depuis son interface bancaire. Le destinataire reçoit un code secret par SMS et n'a plus qu'à le composer sur un distributeur pour recevoir l'argent. Mais bientôt, les distributeurs ne fourniront plus d'espèces...

Souscrire les produits financiers à distance
Tiens, aujourd'hui, j'ai reçu un avis de ma banque pour me prévenir de l'échéance de mon contrat d'assurance auto. Eh oui, la loi Chatel est toujours en vigueur ! J'avais souscrit mon dernier contrat avec un système de paiement biométrique, mais il n'existe déjà plus.
Le test réalisé en 2012 par Banque Accord, BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel Arkéa, le Groupe Auchan, Ingenico et Leroy Merlin est tombé aux oubliettes : le coût lié à l'installation et à la maintenance des terminaux de reconnaissance n'a jamais été rentabilisé et depuis que j'ai appris que les données étaient revendues à la Gendarmerie nationale, je préfère m'abstenir...
Pour souscrire mon nouveau contrat, je dois juste enregistrer ma voix et photographier les pièces justificatives, j'envoie le tout par mail, et le tour est joué ! Le fichier est facile à enregistrer, je peux même le partager sur Facebook !

Toute sa banque dans sa poche
"On consulte son site bancaire lorsque l'on a du temps à perdre, lorsque l'on est dans les transports par exemple. Plus que toutes les autres relation de e-commerce, la banque se doit d'être adaptée à un usage en mobilité", remarquait Patrick Sommelet, directeur général adjoint de Boursorama en 2012.
Aujourd'hui, je peux tout faire avec mon téléphone. Le cabinet Exton Consulting recense d'ailleurs dans son livre Digital Banking toutes les applis disponibles dans la sphère financière : consultation de soldes, virements, génération de RIB, gestion de budget, transfert d'argent, déblocage d'une réserve de crédit... Avec la géolocalisation, je peux même télédéclarer un accident de voiture en prenant des photos et des vidéos et recevoir immédiatement une assistance, localiser une agence ou un distributeur de billets, ou surveiller ma maison.

Sauf que les vols de téléphones portables se sont multipliés, que les contrats d'assurance sont encore bourrées d'exclusions de garanties, que l'opposition sur la carte SIM ne bloque pas toujours l'utilisation du compte bancaire en même temps que celle du téléphone, et que le remplacement du téléphone prend plusieurs mois, étant donné la lourde procédure d'accord mise en place entre établissements bancaires et opérateurs de téléphonie.

"Même si le mobile prend de plus en plus d'importance dans la relation bancaire, de nombreuses questions se posent encore sur le paiement mobile de demain : le client voudra-t-il tout faire avec son portable ? Quels usages de la banque auront les nouvelles générations qui utilisent déjà beaucoup moins le mail ?", se demandait Marie Cheval.
Aujourd'hui, les clients n'ont plus le choix, et certaines associations de consommateurs crient à la prise en otage des clients bancaires qui veulent conserver leur carte bancaire et continuer à recevoir leurs relevés de comptes en format papier...

Le marketing bancaire

Maintenant, mon banquier est mon ami, et même mon personal shoppeur. La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a cédé et a finalement autorisé les banques à nous guider dans nos achats. Il était temps ! Aux Etats-Unis, les accros du couponing peuvent le faire depuis des années. "Avec toutes les informations dont les banques disposent sur les comportements des clients en matière de consommation, il y a certainement des choses à faire. Cela se fait déjà aux Etats-Unis, cela viendra en France", déclarait en 2012, visionnaire, Patrick Sommelet.

Sur le site de ma banque et avec mon appli, je gère mon budget de manière personnalisée en qualifiant mes paiements. Par exemple, ma banque peut voir si je dépense plus d'argent dans les enseignes de sport, dans les boutiques de prêt-à-porter ou dans les spectacles, et me propose des réductions dans mes magasins préférés ! Avec la géolocalisation, elle peut même m'envoyer des coupons de fidélité lorsque je me trouve près de mon libraire favori ! Le système de cash-back de Barclaycard au Royaume-Uni a même fait des petits : toutes les banques proposent aujourd'hui à leurs clients d'être crédités de quelques euros à chaque paiement dans une enseigne partenaire de la banque.
Toutes mes cartes de fidélité et mes sites favoris sont aussi enregistrés dans mon téléphone et je peux les synchroniser avec mon site bancaire. Elle est pas belle la vie ?

Une banque sans guichet

La semaine dernière, la dernière agence bancaire a été fermée. Les "poissons pilotes", ces agences du futur lancées par les différents réseaux bancaires dans les années 2010, n'auront finalement été que des ballons d'essai. Et les robots humanoïdes qu'ils avaient installés à l'accueil n'y ont rien changé.
La presse en ligne en a fait ses choux gras : "Remplacés par des machines, les banquiers rentrent à l'usine", "Moins d'agences, plus d'argent !", "Les banques ne sont plus des magasins comme les autres"... Réduite à néant, la fréquentation des agences a eu raison de leur existence.
Mais les banques n'ont pas dit leur dernier mot : elles remarquent que les opportunités de contacter le client sont plus nombreuses et plus variées, et que les appels téléphoniques portent sur des sujets de plus en plus complexes. Aujourd'hui, les conseillers exercent donc leurs services dans d'immenses call centers ou, pour les meilleurs d'entre eux, se déplacent à domicile pour les clients à fort potentiel.

Des distributeurs de billets intelligents

Mon distributeur de billets me parle. "Le distributeur automatique de billets est la dernière innovation structurante lancée par les banquiers", déclarait Jérôme Cazes, ancien dirigeant de la Coface, lors de la Journée nationale de l'intelligence économique le 20 novembre 2012. Et il continue à le faire. Dollar Bank, CitiBank Japan et la Banque de Moscou avaient fait partie des précurseurs. Leurs homologues français auront finalement suivi : je peux échanger avec mon banquier par visioconférence sur l'écran du distributeur, scanner mes pièces d'identité ou mes chèques, enregistrer une signature électronique, transférer de l'argent via Western Union... Par la vidéo, en cas d'urgence, le conseiller contacté peut réaliser avec moi toutes les opérations à distance en temps réel sur le distributeur.

L'année prochaine, toutes les banques ont annoncé que les distributeurs ne pourraient plus lire les cartes bancaires. Il faut dire que cela fait maintenant cinq ans qu'ils sont tous équipés de la technologie NFC et qu'ils sont déclenchés par le passage du téléphone sur le symbole NFC. Je peux même créer une session personnalisée et naviguer à l'envi parmi les services de réservation de spectacles, de billets de train ou de paiement de factures. La banque portugaise Multibanco avait bien compris que l'avenir, c'était les guichets automatiques intelligents. En 2009 déjà, 51% des opérations réalisées sur ses guichets ne concernaient plus la distribution d'espèces.

L'innovation d'après-après-demain ?

Ce matin, LeMonde.fr titrait : "Les banques sont-elles interchangeables ?". Sous la pression de la société civile, aujourd'hui dans une relation dépassionnée et décomplexée aux banques, les établissements financiers ont entamé des réflexions pour mettre en place un système de transfert de comptes en un clic et sans frais. Le transfert de banque à banque, à la manière du dossier médical personnalisé ou de la portabilité du numéro dans la téléphonie mobile, pourrait constituer la prochaine évolution structurante pour le marché. Sauf que toutes les banques renâclent, invoquant l'antériorité de la connaissance du client, et agitant le chiffon rouge de la déperdition de services que le client subira à chaque changement d'établissement.