La fraude à la carte bancaire progresse sur internet

Par Séverine Sollier  |   |  1049  mots
Copyright Reuters
L'observatoire national de la délinquance publie un rapport sur les fraudes à la carte bancaire que l'association UFC-Que Choisir juge "accablant". Elle s'indigne de "l'inaction des pouvoirs publics".

Mais que fait la police? C'est un peu la question que pose l'UFC-Que choisir après la lecture du dernier rapport de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) publié jeudi 10 janvier qui montre que les victimes des fraudes à la carte bancaire sur internet ne cessent d'augmenter.

En 2011, 600.000 ménages en France ont subi ces débits opérés à partir de leurs comptes ou numéros de cartes, selon l'ONDRP, soit 2,5% des ménages. Une augmentation "très significative" par rapport à 2010 où 2% des ménages (500.000) avaient déclaré en avoir été victimes.

Dans son étude de février 2012, l'UFC-Que Choisir dénonçait déjà l'ampleur de la fraude sur les paiements en ligne: le nombre de fraude de ce type est jusqu'à 113 fois plus élevé que celles sur les paiements de proximité. L'association de consommateurs estime que les chiffres fournis par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sont "accablants", et elle "s'indigne, à l'heure du développement du commerce en ligne, de l'inaction des pouvoirs publics sur ce sujet majeur".

Sur internet et pour des montants inférieurs à 100 euros

Selon le rapport de l'ONDRP, une victime sur deux (52%) constate que le débit bancaire frauduleux le plus récent "a été effectué dans un commerce en ligne", en utilisant ses informations bancaires confidentielles, numéros de compte, de carte ou identifiant de connexion. Et plus d'un quart des victimes (27%) affirme que le montant des débits est inférieur ou égal à 100 euros, 25% qu'il se situe entre 100 et 300 euros, 29% entre 300 et 1000 euros, et 19% supérieur à 1000 euros.

Sept ménages sur dix déclarent avoir découvert l'existence de ces débits en consultant leurs relevés d'opérations. 56% ignorent comment le ou les auteurs ont procédé pour obtenir leurs informations bancaires. 44% disent avoir déposé plainte et 77% avoir été remboursés.

L'oeuvre de petits délinquants

Selon l'un des responsables de l'ONDRP, Chistera Soullez, ces délits "sont en augmentation" car ils "offrent des opportunités de plus en plus importantes pour les délinquants: risque d'être rattrapé faible, gains rapides, apparente facilité". "C'est l'oeuvre de petits délinquants", relève encore le criminologue, "mais aussi de réseaux criminels plus sophistiqués installés dans les pays de l'est -Roumanie par exemple- et d'Afrique de l'ouest".

"Cela change des infractions classiques et offre de vastes champs criminels", poursuit M. Soullez pour qui ce phénomène ne va cependant pas "augmenter de façon exponentielle". "Il y a de plus en plus de parades et de protections", dit-il, "même si le délinquant s'adapte à tout".

Les chiffres fournis par l'ONDRP sont d'autant plus intéressants que les statistiques de la délinquance ne tiennent pas compte des escroqueries courantes à la carte bancaire. Car si les cartes ne sont pas volées, il n'y a en effet plus de dépôt de plaintes depuis 2011, selon des directives de la Chancellerie qui considère qu'il n'était pas nécessaire d'engorger les parquets déjà surchargés avec ces affaires, dans la mesure où les victimes sont généralement remboursées.

Le président de l'ONDRP, Alain Bauer n'avait pas manqué de critiquer cette mesure, estimant que l'indicateur des infractions économiques de la statistique était ainsi "faussé". Seule l'enquête de "victimation" portant sur 17.000 personnes de 14 ans et plus, donne désormais un aperçu des débits frauduleux, fait valoir l'observatoire.

Une autre étude la "Norton Cybercrime Report"  révèle que le coût de la cybercriminalité en France est supérieur à la moyenne mondiale. La perte financière moyenne par victime est estimée à 247 euros, soit 57% de plus que la moyenne mondiale. Elle indique que 10 millions de français ont été victimes d'actes de cybercriminalité en 2012, engendrant près de 2,5 milliards d'euros de pertes. Parmi ces victimes, 11% se sont fait piégés par de faux sites web ou mails qui ont capturés leurs informations personnelles, tels qu'un numéro de carte bancaire et 17% ont été victime d'une fraude en ligne de leur carte bancaire.

Renforcer la sécurité grâce au 3D Secure

En juillet 2012, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a demandé aux commerçants de renforcer leur sécurité après que l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement eut noté que la fraude était en "légère hausse" en 2011, à 413,2 millions d'euros. Il avait fait référence au système renforcé "3D Secure".

Pour sa part, l'association de consommateurs UFC-Que choisir estime que le sytème 3D Secure devrait être rendu obligatoire. Elle considère que l'équipement des commerçants français en 3D Secure progresse trop lentement: 24% des transactions en fin 2012, contre 15% en 2010. "Certes, 50% des commerçants l'ont adopté mais il ne s'agit pas des principaux acteurs: la plupart des grands commerçants en ligne (Amazon, FNAC, PriceMinister par exemple) préfèrent toujours, au détriment de leurs clients, laisser passer la fraude plutôt que de risquer d'ajouter une étape à la vente. Une telle lenteur est inadmissible surtout lorsque l'on constate que ce système marche pour les rares secteurs qui l'adoptent: les sites de jeu en ligne ont ainsi fait baisser leur taux de fraude de 59% en 3 ans", précise l'association.

Les banques rappellent les règles élémentaires de prudence

De son côté, la fédération bancaire française souligne que "les banques investissent en permanence dans la lutte contre la fraude" et rappelle que les utilisateurs de cartes bancaires doivent respecter des règles de prudence aussi évidentes que ne pas divulguer leurs codes secrets de cartes, ni le code d'accès de leur banque en ligne mais doivent aussi vérifier que le site internet sur lequel ils effectuent un achat dispose d'une sécurisation du paiement. La fédération met à la disposition du public qui décrit les principaux risques liés aux moyens de paiment (cartes et chèques) et les numéros utiles en cas de problème. Un guide intitulé "Sécurité des opération bancaires" qui décrit les principaux risques liés aux moyens de paiement (cartes et chèques) et les numéros utiles en cas de problème.

(avec AFP)