Derrière la méga introduction en Bourse d’Alibaba, un nouveau krach ?

Par Christine Lejoux  |   |  694  mots
Depuis son plancher du mars 2009, l'indice S&P 500 a rebondi de 190%. REUTERS.
Faut-il s'attendre à une chute des indices comme en 2000 et 2008 ? Le géant chinois du commerce en ligne a relevé le prix de son introduction en Bourse, ce qui le valoriserait près de 200 milliards de dollars, selon l’agence Bloomberg. Or les méga-entrées en Bourse surviennent généralement lorsque Wall Street se trouve à un pic…

Alibaba détenait déjà un record. Celui d'être en passe de réaliser la plus importante introduction en Bourse de l'Histoire, le géant chinois du commerce électronique ambitionnant de lever jusqu'à 24,3 milliards de dollars à Wall Street. Mais, lundi 15 septembre, Alibaba, qui devrait faire ses premiers pas sur le New York Stock Exchange à la fin de la semaine, a décidé de voir plus grand encore. Le groupe fondé par Jack Ma a relevé le haut de la fourchette de son prix d'introduction, à 70 dollars au lieu de 66 dollars. Ce qui valorise désormais "l'Amazon chinois" à près de 200 milliards de dollars.

 Une somme colossale qu'il serait tentant de considérer, à première vue, comme un signe très positif pour l'évolution du marché actions américain, dans les prochains mois. Mais Nicholas Colas, responsable de la stratégie d'investissement au sein de la société de courtage ConvergEX, n'est pas de cet avis. Au contraire, selon lui, la méga-IPO (initial public offering, introduction en Bourse) d'Alibaba pourrait constituer un signal d'alarme pour les "bull", ces investisseurs qui poussent le marché à la hausse.

 Le S&P 500 affiche déjà 5 ans et demi de progression continue

Pourquoi ? Parce que les très grosses introductions en Bourse surviennent généralement lorsque le marché se trouve à un pic, et précèdent donc une chute des indices. Tel est le constat dressé par Nicholas Colas, sur la base des dix plus importantes introductions en Bourse de l'histoire de Wall Street. Visa est l'une de celles-ci. Le 18 mars 2008, le groupe de cartes bancaires faisait ses premiers pas à la Bourse de New York, où il venait de lever près de 18 milliards de dollars. Six mois plus tard, la faillite de la banque Lehman Brothers entraînait Wall Street dans son pire krach depuis la crise de 1929. Huit ans plus tôt, le 19 mars 2000, l'éclatement de la bulle Internet avait été, lui aussi, précédé de quelques mois par une méga-entrée en Bourse à Wall Street, celle du groupe d'énergie italien Enel, survenue le 1er novembre 1999, pour un montant de 16,5 milliards de dollars.

 Cette logique voudrait que l'IPO géante d'Alibaba soit suivie d'une chute de la Bourse américaine, six mois plus tard environ, soit vers mars 2015. Une hypothèse qui n'est pas à exclure. D'abord parce que, depuis la seconde guerre mondiale, les cycles de hausse du marché actions américain durent en moyenne 4 ans et demi. Avec un maximum de six ans, qui s'est produit dans trois cas seulement, sur un total de onze. Or cela fait déjà cinq ans et demi que le S&P 500 ne cesse de grimper, au point d'avoir clôturé à un record historique de 2.007,71 points, le 5 septembre dernier. Et, le 9 mars prochain, l'indice phare de la Bourse de New York affichera très exactement six années de progression continue...

 Wall Street est-elle allée trop loin, trop vite ?

 Ensuite, depuis son plancher atteint le 9 mars 2009, dans le sillage de la crise financière de septembre 2008, le S&P 500 s'est envolé de 190%, à 1.985,54 points le 14 septembre 2014. Une performance très supérieure à la moyenne de 141% observée lors des précédentes périodes de rebond de l'indice. Ce qui pourrait signifier que Wall Street est allée trop loin, trop vite. Telle semble être la conviction de Janet Yellen, au moins au sujet de certains secteurs. Mi-juillet, la présidente de la Réserve fédérale américaine avait tiré la sonnette d'alarme sur les valorisations boursières des sociétés de biotechnologies, des réseaux sociaux et des petites capitalisations aux Etats-Unis, les jugeant "relativement élevées par rapport à leurs moyennes historiques."

 Une remarque très inhabituelle de la part de la Fed, d'ordinaire axée sur des problématiques beaucoup plus générales. Pas plus tard que le 8 septembre, c'est Christine Lagarde, directrice générale du FMI (Fonds monétaire international), qui, dans un entretien au quotidien Les Echos, a mis en garde contre « une valorisation très forte d'un certain nombre d'actifs », évoquant notamment « les actions en Bourse. » Rendez-vous en mars à Wall Street...