Jérôme Kerviel : "Le financement participatif peut être un pied de nez au financement traditionnel"

Par Laurence Bottero, à Marseille  |   |  432  mots
Jérôme Kerviel
Le financement participatif peut-il révolutionner le monde du financement ? Toujours est-il qu'il secoue déjà les modèles traditionnels. Et qu'il est plein de promesses, assure l'ancien trader, "guest star" des Deuxièmes rencontres euroméditerranéennes du crowdfunding organisées ce jeudi à Marseille.

LA TRIBUNE - Le crowdfunding est un phénomène que vous suiviez particulièrement?

JÉRÔME KERVIEL - Le financement participatif - je préfère ce terme - génère un intérêt positif. Ce système de dons avec retour attendu crée du lien social. Et de la richesse. Cela fait du bien à tout le monde. C'est un investissement direct dans un projet réel, ce qui est en contradiction avec le monde de la finance folle.

La multiplication de la création du nombre de plateformes dit aussi quelque chose de la société ?

L'économiste Adam Smith disait qu'un individu maximise son intérêt personnel au détriment de l'intérêt général. Le financement participatif, c'est exactement l'inverse.

Cela signifie que les conditions adéquates étaient réunies pour favoriser son apparition ?

Les conditions d'octroi des crédits se sont durcies. Il était donc nécessaire de créer un autre mode de financement. Les politiques monétaires accommodantes qui ont été menées n'ont pas fonctionné car le citoyen n'avait d'une part pas envie de faire appel au crédit et d'autre part les banques elles-mêmes ont rendu les conditions d'octroi de prêt plus difficiles. Le cash a donc servi à investir dans la dette d'État mais aussi dans les marchés financiers et notamment à spéculer sur les marchés de matières premières.

Vous dites que le financement participatif ne connaît pas l'essor qu'il mérite.

La réglementation qui le concerne doit être encadrée et écrite. Ne serait-ce que pour le rendre plus sécurisant. Avec peut-être le contrôle d'une autorité. Le financement participatif peut casser le monopole des banques. La relation client/fournisseur dans le domaine bancaire est la seule à être inversée. Le banquier vous rend un service - que vous payez - mais c'est vous qui lui dites merci. Le crowdfunding peut financer des projets qui ne le sont pas par des organismes étatiques traditionnels.

Les banques ne semblent pas réagir à ce mouvement qui prend de l'ampleur...

Si j'étais une banque, je proposerais un catalogue de projets à financer par le biais du financement participatif, plutôt que de laisser l'argent des épargnants dormir sur des comptes qui rapportent peu. Les banques finiront bien par réagir et par créer des filiales de crowdfunding en leur sein...

Propos recueillis par Laurence Bottero

Jérôme Kerviel aux 2es Rencontres Euroméditerranéennes du Crowdfunding, organisées ce jeudi 5 novembre 2015, à Marseille. (Photo: Laurence Bottero)