Airbus change son modèle économique

Par Michel Cabirol  |   |  540  mots
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De façon discrète, l'avionneur européen est en train de monter en puissance dans les services. Et marche sur les plates-bandes des équipementiers et de certains de ses clients.

Chez Airbus, certains évoquent une révolution, d'autres, plus modestes, d'une évolution du « business model » de l'avionneur. De quoi s'agit-il ? Airbus veut fortement augmenter son chiffre d'affaires dans le domaine des services à l'image de ce qui se fait déjà chez les hélicoptéristes, qui proposent à leurs clients aussi bien militaires que civils le maintien en condition opérationnelle (MCO) des appareils vendus. Depuis plus d'un an, l'avionneur toulousain monte en puissance dans les services en proposant aux compagnies de prendre en charge leur flotte d'appareils Airbus. Le constructeur européen a déjà réussi à convaincre deux compagnies référentes dans le monde de l'aérien, l'australienne Qantas et Singapore Airlines (SIA). Discret sur sa nouvelle stratégie, Airbus est en rupture complète avec son ancien modèle économique basé sur le seul prix de vente de ses avions. « Il n'est pas impossible quand ce nouveau modèle économique sera bien établi, explique-t-on chez EADS, qu'Airbus baisse le prix de ses avions. »

Chiffre d'affaires récurrent

Cette nouvelle stratégie agite fortement en coulisse le monde de l'aéronautique en général, et, Airbus en particulier, où il existe un débat interne. D'une part parce que le marché est juteux. Selon le cabinet de consultants américains AlixPartners, le marché civil (MRO ou maintenance, réparation, révision) devrait progresser de 3,7 % par an pour atteindre 61 milliards de dollars en 2019. D'autre part, Airbus marche sur les plates-bandes de certains de ses clients comme Air France et Lufthansa, qui ont leurs propres filiales de MRO, et de ses fournisseurs, à commencer par les grands équipementiers (Safran, Thales...) qui gonflent leur Ebit grâce aux services... Ce qui n'est pas passé inaperçu chez Airbus, dont les marges sont moindres que ses grands fournisseurs, et a de plus en plus de mal à être accepté. Selon AlixPartners, les maîtres d'oeuvre ont réalisé en 2010 en moyenne 7,5 % d'Ebit quand les fournisseurs, eux, affichaient 10,8 %.

Proposer des services aux compagnies aériennes « est une tendance lourde et entre dans notre ligne stratégique, explique-t-on chez Airbus. Les clients nous le demandent. On y répond en garantissant un taux de disponibilité des avions. Qui d'autres que nous connaît mieux nos avions ». Et de faire valoir que contrairement aux compagnies aériennes historiques, « les low-cost et les nouveaux entrants dans l'aérien souhaitent confier leurs services à des tiers ». Cette stratégie va permettre à Airbus, et indirectement à EADS, de réaliser un chiffre d'affaires récurrent et de se donner de la visibilité avec des contrats de MRO de 10, 15 ou 20 ans. La Bourse appréciera très certainement.

Pour le moment, Airbus ne souhaite pas entrer en confrontation directe avec ses grands fournisseurs. « Nous voulons passer des accords avec les équipementiers car cela n'a de sens que si on propose aux compagnies des offres globales de maintenance (moteurs, électronique...) », assure-t-on chez Airbus, qui estime que le maître d'oeuvre est le seul à pouvoir proposer une telle offre : ce qui permettra également à l'ensemble de la « supply chain » de mutualiser les efforts pour être le plus près de tous les clients. Mais, reconnaît-on chez Airbus, « ce modèle pousse à l'intégration de la maintenance » (voir ci-dessous). Il va y avoir du sport...